Contre l’oubli organisé de l’histoire du peuple réunionnais

1er avril 2016, par J.B.

Le peuple réunionnais a à peine 350 ans. Pendant plus de 180 ans, c’est-à-dire la majorité de son histoire, il a vécu sous le régime de l’esclavage. Cette période est très méconnue. C’est pour lever le voile sur cette époque cachée que l’équipe de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise avait construit le mémorial du cimetière du Gol. Inauguré le 31 octobre 2009 quand Paul Vergès était président de la Région Réunion, il rappelle que la majorité des ancêtres des Réunionnais sont morts sans avoir eu droit à une sépulture. En Suisse, Aline Helg, historienne, a publié un ouvrage intitulé « Plus jamais esclaves ! De l’insoumission à la révolte, le grand récit d’une émancipation (1492-1838) ». Elle explique la nature de combats menés par des esclaves pour la liberté.

C’était tout d’abord le maronnage :

« Au cours des deux premiers siècles de la colonisation, on peut estimer que 10 % des esclaves parviennent à s’enfuir. Dans les arrière-pays qui ne sont pas encore contrôlés par l’Etat, ces esclaves en fuite – qu’on appelle « marrons » – se mélangent à d’autres fugitifs et à des Indiens. Certaines communautés marronnes prennent une importance telle qu’à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle les monarchies anglaise et espagnole signent des traités avec elles (…) Plusieurs de ces communautés existent encore aujourd’hui, et gardent des droits particuliers. Il y a l’exemple très connu de San Basilio de Palenque en Colombie, d’autres en Suriname ».

C’était ensuite le rachat de leur liberté :

« Cette possibilité existait dans le droit romain, elle est reprise dans les lois ibériques du XIe-XIIe siècle et elle passe ensuite en Amérique dans tous les territoires espagnols et portugais. Il y a des règles précises : il ne faut pas que la somme à verser au maître soit plus élevée que le prix d’achat (…) Tout cela est très développé dans les colonies hispano-portugaises, jusqu’à la fin de l’esclavage, en 1886-1888. Dans les colonies françaises, anglaises et néerlandaises, cette possibilité existe au début, mais à mesure que le système des plantations se développe, elle est éliminée ».

Et enfin les révoltes :

« Les révoltes ont été très peu nombreuses, contrairement à ce qu’on a cru. La première d’envergure est celle de Berbice (entre les deltas de l’Orénoque et de l’Amazone) en 1763. Il y a, bien sûr, celle de Saint-Domingue à partir de 1791, qui aboutit à la libération des esclaves de l’île (400 000, à l’arrivée), à la défaite des troupes de Napoléon et à la proclamation de la république d’Haïti par les anciens esclaves : c’est le grand tournant, longtemps ignoré, de l’histoire des Amériques… »

Et de souligner qu’ « à peine l’esclavage est-il aboli que le racisme « scientifique » prend le relais. Quant aux abolitionnistes, eh bien, ils ont aboli l’esclavage en indemnisant les maîtres, mais ils ont laissé tomber les anciens esclaves aussitôt après. Ce monde-là souffre donc beaucoup à la fin du XIXe et au début du XXe siècle ».

Ce coup de projecteur rappelle que l’oubli organisé de cette histoire est si important que nombreuses sont les rues de notre île à rendre hommage à des personnages qui se sont rendus coupables de ce qui est aujourd’hui un crime contre l’humanité. Devant la préfecture, il existe une place Labourdonnais au centre de laquelle se dresse une statue monumentale de cet esclavagiste notoire.

J.B.

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