Coupe 2016 : dernière campagne sucrière à La Réunion ?

13 décembre 2016, par J.B.

La campagne sucrière 2016 vient de se terminer. Elle se conclut sur une récolte inférieure aux prévisions, avec moins de 1,8 million de tonnes. Les planteurs expliquent ce résultat par les conditions météo. Une meilleure richesse en sucre que l’an dernier doit permettre de limiter les dégâts. Néanmoins, la coupe 2016 restera dans l’histoire. C’est la dernière à s’être déroulée sous le régime des quotas sucriers. L’année prochaine, ces quotas seront abolis, et la filière canne-sucre entrera dans une nouvelle ère où elle affrontera le plus grand défi de son histoire.

La culture de la canne à sucre a été imposée à La Réunion à la suite de la révolution haïtienne. L’indépendance d’Haiti privait la France de sa colonie de Saint-Domingue, qui était alors le premier producteur de sucre du monde. À cette époque, le sucre de betteraves était loin d’être aussi développé qu’aujourd’hui. Les Antilles et La Réunion furent donc mises à contribution pour alimenter la Métropole en sucre.

C’est le point de départ d’une rivalité entre producteurs de sucre de cannes et de sucre de betteraves. La Première guerre mondiale allait rebattre les cartes. Les champs de betteraves étaient ravagés par les dégâts des opérations militaires. Là encore, La Réunion et les Antilles sont venues au secours de la France. Ce fut la mise en place du régime des contingents, qui étaient à La Réunion l’enjeu des campagnes électorales meurtrières qui opposaient les candidats, tous liés à l’aristocratie du sucre. La bataille tournait autour du volume alloué à chaque société sucrière.

Avec la mise en place de la Communauté européenne, les contingents sont devenus des quotas qui permettaient aux producteurs réunionnais d’écouler un volume garanti sur le marché européen. Ce système oblige en effet l’Europe à acheter les stocks invendus à un prix supérieur au cours mondial. Il a été remis en cause par l’expansion du capitalisme dans le monde, et l’émergence d’autres pays exportateurs qui ont demandé d’accéder sans entrave au marché européen. En conséquence, le régime sucrier européen jugé trop protecteur par l’Organisation mondiale du commerce, OMC, a été attaqué. L’Europe s’est pliée aux décisions. Elle a mis en œuvre une nouvelle politique agricole en 2006 qui annonçait déjà la perspective de la fin des quotas. En 2013, la France a voté pour la fin des quotas sucriers en 2017. Cette décision s’applique y compris à La Réunion, malgré le fait qu’un article du Traité européen permet d’adapter les politiques européennes à nos conditions spécifiques.

Le résultat de la coupe 2016 a été décevant. Ce sera tout ce dont devront se contenter les planteurs. Pour le reste, ils ne savent pas à quel prix ils pourront vendre leurs cannes l’année prochaine. Ils ne savent même pas s’ils pourront les vendre à l’unique industriel du sucre qui existe encore à La Réunion. Car à partir de l’année prochaine, les producteurs de sucre de betterave pourront produire sans limite et prendre les parts de marché du sucre réunionnais en Europe, car ils ont un coût de production plus faible. L’autre moitié de la production réunionnaise, les sucres spéciaux, sont menacés par des pays d’Amérique latine ou d’Asie capables de produire la même chose bien moins cher. L’année prochaine, l’Union européenne n’interviendra plus pour acheter le sucre réunionnais invendu. Près de 20.000 emplois sont en jeu dès 2017, une année qui commence dans deux semaines.

J.B.

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