Descendons dans la rue

25 février 2011, par Geoffroy Géraud-Legros

Il y en a un qui, il y a peu de temps, déclarait ne « pas voir » les manifestations et les manifestants. Manière de dire : manifestez tant que vous voudrez, j’irai au bout de ma logique de privatisations, de coupes et « rabotages » à outrance, de réduction des moyens alloués au service public. À la poubelle, le « dialogue social renouvelé » brandi à de multiples occasions lors de la campagne présidentielle de 2007, au temps où les déclarations fascisantes côtoyaient les citations de Jaurès dans le discours du candidat Sarkozy. De Jaurès, il n’est plus guère question aujourd’hui : qu’il s’agisse des retraites, de la sécurité sociale, de l’existence de la fonction publique elle-même, le président Sarkozy semble déterminé à abattre ce qu’il reste de l’État social bâti à la sortie du second conflit mondial, déjà fort mis à mal par près d’un quart de siècle de politiques ultra-libérales.

Pour faire passer la pilule, le gouvernement a adopté une stratégie de communication fondée sur l’exemplarité. La crise frappe tout le monde, dit-on en substance du côté de Matignon de l’Élysée et d’autres officines UMP : les dominants comme les dominés, le public comme le privé, l’État comme les citoyens, tous doivent consentir à des sacrifices, serrer les dents et participer avec civisme à l’effort collectif. En ces temps de dépression et de déficit, la République sera, dit-on, « irréprochable ».

Déjà fragilisé par les frasques présidentielles, ce vernis n’a pas tardé à craquer définitivement : en fait de République irréprochable, on a surtout vu les jets privés et les cigares payés à grands frais d’argent public… et le flot opaque « d’affaires » aux interminables méandres, qui mêlent ministres, milliardaires, et personnalités du spectacle. Fait hautement symbolique, c’est le ministre dont le nom est le plus associé à cette déchéance de la République qui a conduit la « réforme » des retraites.

Résultat : trois millions de manifestants dans les rues, que le pouvoir a fait mine de ne « pas voir ». Ce refus du dialogue porte le rapport des forces sociales à un niveau de tension sans doute jamais atteint depuis 1968 : même les policiers et les juges, fonctionnaires traditionnellement peu remuants, débrayent. Dans les Outremers, la situation est peut-être plus délicate encore pour Paris, où l’on se souvient avec angoisse de la crise de 2009. La conjonction d’échéances électorales, et de la montée en puissance du mécontentement ouvre de nouveaux horizons à ceux qui croient dans le progrès et la justice sociale. Le pouvoir prend peur, et se met à enfermer de jeunes manifestants.

Le mouvement, lui, pourrait y gagner encore en force et en légitimité. Car la lutte, aujourd’hui, paye : au Lycée professionnel de Roches-Maigres, à Saint-Louis, les professeurs en lutte soutenus par leurs élèves ont obtenu gain de cause. Autre victoire populaire : le recul de la municipalité UMP devant les citoyens excédés par des factures abusives. La manifestation contre les suppressions de postes qui aura lieu aujourd’hui fournit une nouvelle occasion de forcer le pouvoir sarkoziste à « voir » cette société réunionnaise qui, comme il y a vingt ans, va finir par lui exploser au visage. Soyons nombreux, ce matin, à descendre dans la rue.

G.G.-L.

Mobilisation des lycéens

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