Dominer par la crise

31 juillet 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

En visite en Europe cette semaine, l’envoyé spécial de la Maison Blanche Richard Morningstar donnait au ministre grec Spyros Kouvelis un conseil qui avait tout l’air d’une consigne. La Grèce, a-t-il déclaré, achète trop de gaz à la Russie. Elle est instamment priée de diversifier ses approvisionnements, c’est-à-dire de se tourner vers le gazoduc IGTI, qui importera du gaz du Qatar, sous influence américaine. On apprécierait plus encore du côté de Washington, qu’elle veuille bien tourner le dos au projet d’acheminement Russie-Italie, auquel les autorités helléniques font mine de vouloir participer.

En Italie, Silvio Berlusconi a annoncé jeudi la mise en route d’un plan d’austérité draconien, dont le poids pèsera presque entièrement sur les classes moyennes de la péninsule. Une rigueur imposée malgré l’annonce d’un rétablissement certain de l’économie italienne : selon des estimations concordantes, celle-ci sort aujourd’hui de la récession, et devrait retrouver cette année une croissance convalescente située entre 1,2 et 1,3%. Pourquoi lui appliquer tout de même un plan de choc économique ? Tout simplement, selon le Gouvernement italien, dans l’espoir d’obtenir une bonne appréciation des agences de notations financières, toutes situées… aux États-Unis d’Amérique. Et de retrouver via leur satisfecit, une crédibilité auprès des tout-puissants « marchés ».

Discipline économique imposée en Italie par un gouvernement en accointances avec les multinationales et les grands bailleurs de fonds ; « amicale » pression américaine sur les Grecs, afin d’imposer la discipline ultra-libérale par le biais d’ agences de notation financières : ces deux exemples montrent que, loin de faire du passé table rase, la crise vient au contraire en renfort des puissances établies, et fait plus que jamais de la mondialisation une arme contre les peuples.

Dans ce contexte, que devient La Réunion, petite île modelée par plusieurs mondes et façonnée par la colonisation ? Encore faudrait-il qu’elle sache que l’histoire frappe à sa porte. Qu’elle identifie les menaces et les espoirs du monde qui vient, pour s’y enrichir et y apporter sa part. Et surtout, qu’elle puisse affronter la mondialisation en pleine possession d’elle-même. Pour cela, elle ne peut plus compter sur ceux qui ont aujourd’hui la charge de son destin. À Paris, on fait tout pour reprendre aux Réunionnais les moyens conquis pour construire leur île… avec l’aide des agents locaux du gouvernement, désormais aux commandes de la Région.

Une vulgaire opération de recouvrement de fonds, dont on divertit l’opinion à coup de fêtes, de « milliers de bus » fantômes, d’équipages partis “bat’carré” à l’autre bout du monde… qui ne font que dissimuler, là aussi, la restauration des intérêts établis.

G.G.-L.


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