Donne-moi ta montre et je te donnerai l’heure

30 avril 2011, par Geoffroy Géraud-Legros

Personne ne peut l’ignorer : le pétrole est en voie de disparition. Le "pic pétrolier" ("oil peak"), ce moment où la consommation a plafonné avant e commencer à décliner a été atteint il y a environ 5 ans. Dans le même temps, la demande explose, sous tirée par l’effort gigantesque déployé par des puissances du Tiers-monde pour s’extraire du sous-développement.
Plus rare, plus recherché, le pétrole aiguise plus que jamais les convoitises des multinationales et des grands Etats industriels : quels sont aujourd’hui les conflits armés et les jeux d’influences à dimension géopolitique qui ne recherchent pas la maîtrise de l’exploitation ou des acheminements pétroliers ? C’est évidemment cet enjeu qui a mené l’OTAN et quelques Etats européens en Libye… et non les motivations humanitaires affichées par les chancelleries, qui ne font même pas l’effort de paraître y croire elles-mêmes. La source d’approvisionnement libyenne momentanément tarie, par les affrontements, les prix s’envolent… et avec eux, les bénéfices des compagnies pétrolières. Le consommateur, qu’il soit ou non professionnel de la route, voit désespérément grimper les prix à la pompe.

A La Réunion, l’ARCP dévoilait il y a peu que, petites hausses par petites hausses, l’essence avait augmenté de 22 centimes en quelques mois. La pression du prix des carburants sur les budgets des familles et des entreprises, déjà durement affectées par la crise, atteint désormais la limite du supportable. Confrontés à des manifestations de transporteurs qui pourraient bien dégénérer en révolte générale, les pouvoirs publics doivent, bon gré mal gré, envisager de compenser les hausses du pétrole. Reste à savoir qui supportera le coût de cette compensation.

Intimement lié au cartel des hydrocarbures - devant lequel il "s’exécute", écrivaient les Sages de l’Autorité de la Concurrence - le Préfet n’est guère enclin à solliciter les pétroliers. Ceux-là, pourtant, sont à la fête : on estime qu’ils réalisent dans notre pays des marges trois fois plus élevées que dans l’Hexagone.
Représentant d’un Etat qui coupe, rabote, réduit, tranche, et dégraisse les budgets sociaux pour arroser les Bettencourt et autres bon copains propriétaires de yacht, il n’est pas du tout disposé à demander à Paris le "coup de pouce" tant attendu par les Réunionnais.

Didier Robert, lui, a trouvé la solution : prendre dans la poche des Réunionnais l’argent de l’éphémère réduction qui leur sera consentie à la pompe. Comme disait Paul Claudel : Donne-moi ta montre et je te donnerai l’heure. Et pour que cela ne s’arrête jamais, il a eu l’idée de créer un "Fonds" qui serait abondé par une partie des ressources de l’Octroi de Mer. Octroi de Mer qui, on le sait, sert pour majeure partie à financer l’action des communes, premières structures d’emplois à La Réunion et actrices fondamentales dans le domaine social. Sacrée trouvaille ! Il fallait y penser. Non seulement le "Fonds" constitue une ponction injuste imposée aux contribuables, mais une prime à la hausse envers les pétroliers : certains qu’un fonds alimenté par de l’argent public viendra "couvrir" les hausses de prix, pourquoi ces derniers s’empêcheraient-ils encore d’augmenter leurs marges ?

Les maires ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, et ont, par la voix de leur association (l’AMDR), refusé ce nouveau coup fourré concocté – faut-il le dire ? - sans concertation par la pyramide inversée. On ignore si l’affaire est arrivée aux oreilles de M. Pélissard, Président de l’Association des Maires de France, en séjour dans notre île. Celui-ci a beau être issu du même parti que M. Robert, il a assez de respect pour sa fonction et pour lui-même pour dire l’évidence, c’est-à-dire que les citoyens-contribuables des collectivités n’ont pas à financer par leurs impôts les baisses de carburants. Mais sans doute Didier Robert, qui a évité à Paris de débourser 9 millions de continuité territoriale aux dépens des contribuables, après lui avoir rendu un gros paquet d’argent sur le protocole de Matignon, s’imagine-t-il être généreux. C’est tellement plus simple, avec l’argent des autres…

G.G.-L.

Prix des carburantsDidier Robert

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Messages

  • tout ceci est vrai ! mais quelles propositions concrètes pour y remédier ?
    les profits des pétroliers à la réunion ne représentent que quelques centimes par litre de carburant , les leur retirer passerait inaperçu à la prochaine et inéluctable hausse du prix du barril , ou pire , reflux de l’euro , qui est à son record historique , 1,45 usd ce qui nous protège en partie du choc...
    pour le moment !
    il n’y a guère de choix... il faut métamorphoser nos habitudes de transport et réduire notre consommation de produits pétroliers , en attendant de développer des solutions alternatives , dont la pertinence économique croit au rythme de la hausse du pétrole !
    il faut dire que le coup porté au transports en communs par la nouvelle équipe
    régionale était un signal catastrophique et un appel néfaste au tout-auto.....
    je proposerais pour ma part la création d’une vignette auto locale , qui taxerait de plus en plus fort les véhicules , en fonction de leur puissance fiscale...
    cet argent pourrait alimenter un fond d’aide au carburant pour les petits salariés qui
    dépensent jusqu’à 20% de leur salaire mensuel pour aller travailler !
    en attendant....à nos vélos ! co-voiturons ! levons le pied ! importons le GpL !


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