Du pain trop facilement gagné

2 juillet 2011, par Geoffroy Géraud-Legros

À première vue, les développements inattendus de l’affaire DSK pourraient bien rappeler aux médias et aux politiques la nécessité d’analyser les faits avant d’en tirer des conclusions ou, dit-on plus lestement, de tourner 7 fois la langue dans la bouche avant de parler. Quelque soit son dénouement —n’allons pas faire la boue avant la pluie dit le créole — les nouveaux éléments de l’intrigue auront montré ce que valent, aux yeux des faiseurs d’opinion, les droits élémentaires de la personne, déjà fort insuffisants, édictés par la loi.
Tombées, en un clin d’œil, les prescriptions du Code relative au droit à l’image. Emportées par les torrents du rendu journalistique, celles de la loi dite “Guigou”, qui disposait qu’un justiciable ne pouvait être montré menottes aux poings, parce que présumé innocent. Enterrée, ladite présomption d’innocence : il a suffi que « l’affaire » se déroule aux USA, pour que les commentateurs se sentent affranchis de cette contrainte légale minimale ; ne parlons pas de morale, cela fait belle lurette qu’ils n’en voient plus la queue.

L’affaire aura aussi révélé la réalité du système judiciaire que nos sarkozistes rêvent d’acclimater chez nous : celle d’une justice injuste, où l’on sort de prison en crachant quelques bons gros millions au bassinet, pendant que les pauvres croupissent dans des prisons impitoyables, avant d’être fortement incités à plaider coupable. Mais plus encore, les déboires du candidat socialiste présumé ont fourni un instantané saisissant des mentalités de classe. Édifiant spectacle, que celui de cette classe dominante rejetant sans remords celui qui a si bien veillé à son enrichissement et à la pérennité de ses investissements. Saisis dans leur vraie nature, ces bourgeois qui n’acceptent même pas que leur bienfaiteur déchu vive auprès d’eux, fut-ce dans un palace, et délèguent le maire de leur ville de richards pour lui taper dans les poches, preuve que même pour les plus gros des gro zozo, il n’y a pas de petits profits. Il faudrait aussi, pour faire bonne mesure, rappeler les manifestations épidermiques produites par l’affaire, qui montrent que le gauchisme continue d’être la maladie infantile de l’intelligence.

Le lecteur réunionnais a pu en voir de beaux symptômes dans les courriers des lecteurs rageurs publiés par nos révolutionnaires plagistes et autres rebelles péi, nantis mais néanmoins "indignés". Voyez ces « anticapitalistes », si mal armés pour la critique, qu’ils sont incapables d’attaquer un zélé commis du grand Capital à peine rosi, s’ils n’en ont pas préalablement fait un monstre. Et puis… lisez entre les lignes écrites par les uns et par les autres, comme l’inconscient antisémite a eu aussi tôt fait d’affleurer chez les nantis de France et des Amériques que parmi les révolutionnaires de pacotille. Quelle qu’en soit l’issue, donc, cette glauque affaire aura été un test de vérité. L’un de nos confrères écrivait que “Témoignages” était peut-être le seul média du monde à ne pas avoir produit de photographies de Dominique Strauss-Kahn menotté. Que l’on nous permette de prendre cette boutade pour un compliment… et d’être fiers, quel que soit l’avenir, de ne pas avoir donné dans le lynchage, dans le complotisme et dans le sensationnel. Ce pain-là aurait été trop facilement gagné.

G.G.-L.

Dominique Strauss-Kahn

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