Emmeline Pankhurst, l’héroïne des suffragettes

12 mars 2022, par David Gauvin

Emmeline Pankhurst, grande figure du mouvement des suffragettes, s’est battue toute sa vie pour le droit de vote des femmes en Angleterre.

Ayant grandi au sein d’une famille très politisée, Emmeline Pankhurst (née Goulden) fut destinée par ses parents à se conformer aux rôles attitrés aux femmes de cette époque. Ils désirèrent la marier jeune et ne virent pas la nécessité de s’inquiéter de son éducation. La jeune fille devint tout de même une lectrice assidue et fut dès l’âge de 14 ans introduite à l’enjeu de l’accès au vote des femmes. On l’envoya à l’École Normale de Neuilly où elle apprit le français et continua son apprentissage politique. La lecture de La Révolution française de Thomas Carlyle la marqua profondément. De retour en Angleterre, elle rencontra et épousa Richard Pankhurst, un avocat de 24 ans son aîné. Le couple eut cinq enfants. Richard et Emmeline décidèrent rapidement d’engager une aide à la maison afin que la mère de famille puisse s’impliquer dans la vie politique. Elle appuya d’abord la campagne parlementaire infructueuse de son mari, dont les idéaux étaient plutôt radicaux. L’avocat s’intéressait particulièrement au droit de vote des femmes, à la liberté d’expression et à la réforme de l’éducation. Emmeline commença ensuite à s’investir dans l’accession des femmes au droit de vote. Elle devint membre de la section féminine du Parti libéral, puis joignit par la suite le Parti travailliste indépendant. En 1898, Richard mourut, laissant sa femme et ses enfants dans une situation financière précaire et obligeant Emmeline à trouver un emploi. Dans les années suivant le décès de son mari, elle s’impliqua néanmoins encore plus activement dans le combat pour l’obtention du droit de vote des femmes.

En 1903, la veuve fonda la Women’s Social and Political Union (WSPU). Cette association acceptait alors uniquement les membres de sexe féminin et se concentrait sur des actions concrètes visant l’accès au vote pour les femmes. Au début, les actions de la WSPU étaient pacifiques. Mais le 12 mai 1905, après qu’un projet de loi sur le droit de vote des femmes fut rejeté, Emmeline et ses co-militantes, dont ses filles, manifestèrent devant le Parlement. Elles prirent alors conscience du pouvoir que les manifestations pouvaient leur apporter. Les journaux leur donnèrent le nom de suffragettes par dérision. Ces journaux, de même que l’opinion publique générale, ne leur furent pas très favorables lorsqu’elles commencèrent à détruire des biens publics comme gestes de revendication. Ceci dit, leurs activités militantes furent toujours exemptes d’atteinte physique ou de violence envers personne. La seule violence physique fut celle dont les suffragettes furent victimes lors de leurs différentes périodes d’emprisonnement, ce qui arriva à trois reprises à Emmeline Pankhurst. Durant les années entre son premier emprisonnement en 1908 et le début du conflit mondial en 1914, Emmeline fut de plus en plus déçue du Parti travailliste indépendant. Elle observa que, peu importaient leurs allégeances politiques, les hommes étaient tous inquiets de perdre leur emploi en faveur des femmes si celles-ci obtenaient des droits égaux. De plus, elle comprit que les partis politiques se servaient de l’enjeu du vote des femmes pour mousser leur popularité au lieu de le mettre au centre de leurs préoccupations. Dans l’optique de demeurer une association composée uniquement de femmes, Emmeline expulsa monsieur et madame Pethick-Lawrence du WSPU, alors que le couple l’avait soutenu financièrement et idéologiquement pendant longtemps. Cet acte valut à la leader une réputation d’autocrate. Dans les deux années qui suivirent, la popularité du WSPU et le nombre de ses membres déclinèrent.

Si son militantisme pour l’accession au droit de vote s’arrêta avec le commencement de la Première Guerre mondiale, Emmeline Pankhurst ne cessa pas pour autant de se battre pour l’égalité des sexes. Elle voulut que ses consœurs puissent aider leur pays en travaillant dans les usines de munitions. Dans ce but, le premier ministre David Lloyd George l’approcha pour qu’elle organise une démonstration en faveur de l’emploi des femmes dans les usines et dans d’autres domaines de travail reliés à l’effort de guerre. Le prix de cette alliance avec une ancienne ennemie était entendu tacitement : les conservateurs appuieraient l’accession des femmes au droit de vote à la fin de la guerre. Lorsque l’armistice arriva, Emmeline commençait à être considérée comme une alliée du gouvernement et non plus comme une leader pour son genre. En 1918, les femmes de plus de 30 ans obtinrent effectivement le droit de vote. De nombreux voyages en Amérique du Nord la charmèrent et de 1922 à 1925, elle alla habiter Toronto avec ses quatre enfants adoptés. De retour en Angleterre, afin de tenter d’en faire plus pour les femmes, Emmeline se détacha des activités militantes qui l’avaient occupée avant la guerre afin de se concentrer sur son alliance avec les conservateurs. Elle était consciente que le pouvoir passait inévitablement par l’attachement à un parti. Le socialisme l’avait déçue, les autres partis ne l’inspiraient pas. À la suite de son choix, la conservatrice Nancy Astor, la première femme à siéger au Parlement, proposa à Emmeline de lui céder sa place, en remerciement de tout ce qu’elle avait accompli pour les femmes, chose qu’elle refusa. Elle mourut en 1928, un mois avant que le droit de vote soit accordé aux femmes de plus de 21 ans.

On connaît historiquement Emmeline Pankhurst pour ses idées. Elle est à l’origine de la personnification de la croyance selon laquelle les femmes méritaient les mêmes droits civiques que les hommes. Durant toute sa vie, elle a lutté sans relâche pour le suffrage féminin, l’éradication de la pauvreté et de l’ignorance. La revue Time l’a considérée comme l’une des 100 personnes les plus importantes du 20e siècle. Le caractère social a toujours été au cœur de sa lutte. A son époque, elle s’est distinguée également par ses méthodes globalement plus violentes que les méthodes alors adoptées par les femmes. C’était une femme dotée d’un puissant charisme lui permettant de faire se déplacer les foules.

« On doit faire en sorte que les femmes valent autant que les hommes. Les normes de moralité doivent être égaux ; et le seul moyen de mettre cela en place est de donner du pouvoir politique aux femmes afin d’inscrire cette égalité des normes de moralité dans les lois du pays. C’est le seul moyen. » Emmeline Pankhurst

Nou artrouv’

David Gauvin

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