Enseignants nouveaux arrivés : Bienvenue à La Réunion !

20 août 2009

Hier, le Recteur, M. Mostafa Fourar avait convié les 672 nouveaux professeurs à une réunion de bienvenue.
Les 174 enseignants qui avaient répondu à cette invitation ont dit leur plaisir d’être ainsi accueillis par le Recteur en personne et ses principaux collaborateurs.
Les étudiants de l’UNEF, les représentants d’Agir pour nout tout avaient également choisi d’être présents afin d’informer les nouveaux arrivants d’un autre versant des réalités auxquels ils se trouvent confrontés.
C’est pourquoi à notre tour, nous voulons dire à tous ces enseignants qu’ils sont les bienvenus chez nous. À chacun d’entre eux — comme pour tous leurs autres collègues — nous leur reconnaissons volontiers le désir de bien faire leur travail.
Mais nous devons également leur dire que les dernières évaluations en CM2 réalisées à La Réunion sont inquiétantes

Inquiétantes parce que, dans notre île, après plus d’un demi-siècle d’enseignement généralisé, on déplore entre 120.000 et 110.000 personnes mutilées par un illettrisme persistant. Inquiétantes parce que, en dépit des lois prônant la reconnaissance et l’enseignement des langues régionales, la langue réunionnaise continue d’être ostracisée. Les déclarations de l’un d’entre vous, jeune professeur de l’enseignement technique, semblent indiquer que la chasse à la langue réunionnaise se poursuit. « On m’a mis en garde contre l’utilisation du créole » a déclaré en substance ce jeune professeur qui se posait aussitôt la question lucide de la difficulté de communiquer avec ses élèves.
Dans un récent éditorial(1), "Témoignages" s’interrogeait « la langue est l’identité d’un peuple, le repère d’une civilisation, le fondement de toute culture. […] Mais comment connaître une langue si on ne la comprend pas et inversement comment comprendre une langue si on ne veut pas la connaître ? La langue est l’habitat d’une culture, son logis indifférencié (2) ». Et comment enseigner lecture et écriture d’une langue si on en ignore tout, d’une part, et si, pour y parvenir, l’enseigné doit tuer en lui sa propre identité, l’histoire, la culture véhiculées par sa langue maternelle pour se recouvrir d’une langue et d’une culture autres ? ».
Aussi, chers nouveaux arrivants, nous vous encourageons à vous imprégner de culture réunionnaise. La langue maternelle utilisée quotidiennement par l’immense majorité des Réunionnais est riche, inventive, poétique pour ne citer que quelques-uns de ses attraits.
Vous avez remarqué la chaleur de l’accueil qui vous a été réservé. Il n’est rien par rapport à celui qui attend celles et ceux qui feront l’effort de se passionner pour notre langue, notre culture tissée des fils d’une multiplicité d’apports civilisationnels, notre histoire.
Les Réunionnais revendiquent simplement le droit à l’enseignement de leur culture, leur histoire, habitant leur langue, ET à l’enseignement de la langue française. Chers nouveaux futurs Réunionnais, vous l’expérimenterez vous-mêmes : lorsque deux langues sont mises sur le même pied, cela s’appelle le bilinguisme et l’histoire racontée à deux langues est alors bien plus riche.

Jean Saint-Marc

(1) Combattre l’illettrisme en refusant la Culture et la langue des Réunionnais ? Témoignages 13 août 2009.
(2) Dr Samba DIAKITE : Enseignant-chercheur à l’Université de Bouaké : "La déréliction du langage dans le penser politique en Afrique", "Le Portique" Revue de Philosophie et de Sciences Humaines.


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