Faire marcher les deux mondes

10 août 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

À La Réunion, un habitant sur deux est pauvre. Et le fossé qui s’étend entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas est tel qu’on a pu parler de « deux mondes ». Comprendre : à côté de l’exploitation “classique” — faire le plus de profit en payant les travailleurs le moins possible, le grand patronat et le pouvoir d’Etat organisent l’abandon complet d’une partie de la population.
A ceux-là, on enlève même le droit de travailler, on arrache la possibilité de vivre décemment.
On coupe le peuple en deux, pour entretenir une concurrence entre ceux qui peuvent travailler et les autres, pour faire baisser les salaires, pour profiter du travail clandestin, pour démoraliser.

Pour les Réunionnais du "2ème monde", c’est la misère, plus terrible encore pour les femmes que pour les hommes.
La misère qui rend dépendant de tous les clientélismes. La misère qui contraint au travail illégal, sans protection, ni retraite à la clef. Qui réduit aux petits colis des charités très intéressées auxquelles il ne manque qu’un casque colonial.

Deux mondes que ceux qui vivent de la misère et du travail des autres ne cessent de vouloir opposer : celui qui travaille, ils l’appelleront « privilégié ». Pour le chômeur et le précaire, c’est pire : « paresseux », « assisté », « gratteur d’fesse ». Et malheur à celui qui, d’aventure, trouverait du travail en mairie : il sera immédiatement affublé du sobriquet de « travayèr la commune ».

Ces injures peuvent porter très loin, au sens propre du terme : on connaît un sénateur fort bien rémunéré qui, dans le temps qu’il était un député fort bien rémunéré, n’avait pas hésité pas à injurier son propre peuple, sortant une « pile plate », symbole à ses yeux du vice des pauvres, en pleine Assemblée nationale.
Deux mondes qui courent le même danger d’être écrasés par les "réformes" qui visent les retraites, le pouvoir d’achat, et étoufferont toute la population sous les taxes les plus injustes.
Deux mondes dont l’union fait peur, comme le montre la charge virulente de certaine presse, qui fait pleuvoir l’invective sur un porte-parole des abandonnés.
Deux mondes qui ont les mêmes intérêts, appelés à marcher ensemble le 29 août et le 7 septembre prochain.

G.G.-L.


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