Gaspillage alimentaire, aux Réunionnais d’agir

15 février 2022, par David Gauvin

Alors que nous scrutons les augmentations de prix liées au cyclone, il est un scandale que l’on tait : le gaspillage alimentaire. Savons que nous nous produisons dans le monde suffisamment pour nourrir toute la planète alors qu’un humain sur 9 est en situation de malnutrition.

Photo Taz, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/license...> , via Wikimedia Commons

10 millions de tonnes, 10 milliards de kilos : c’est le poids annuel du gaspillage alimentaire estimé chaque année en France. Un gâchis déconcertant qui a lieu à tous les étages, de la production à la consommation, en passant par la transformation, la distribution et la restauration. Laisser des céréales au champ après le passage de la moissonneuse, détourner des invendus des supermarchés vers l’alimentation animale, méthaniser des fruits et légumes jugés trop moches ou mal calibrés pour en faire de l’énergie… Ces démarches peuvent éviter aux déchets alimentaires d’être incinérés ou enfouis, pratiques particulièrement impactantes pour l’environnement. Pourtant, elles n’en constituent pas moins du gaspillage alimentaire. En effet, selon la définition retenue dans le Pacte national « anti-gaspi’ » de 2013, le gaspillage alimentaire correspond à « toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée, dégradée ». Nuance importante : le gaspillage alimentaire est différent des « déchets alimentaires ». Ce dernier terme englobe le gaspillage alimentaire, par définition évitable, et les déchets considérés comme inévitables tels que les os, les coquilles d’œufs ou encore les peaux de bananes.

Si le consommateur est souvent le premier à être pointé du doigt, la question concerne en réalité l’ensemble des acteurs et filières de l’alimentation. Selon une étude de l’ADEME de 2016, 18 % de la production alimentaire destinée à la consommation humaine serait gaspillée chaque année. Ce gâchis se répartit comme suit : 32 % pour la production agricole ; 21 % pour la transformation ; 14 % pour la distribution ; 14 % pour la restauration (collective et commerciale) ; 19 % pour la consommation à domicile. Ainsi, tous les secteurs d’activités sont concernés et génèrent du gaspillage à leur niveau pour différentes raisons : surproduction, critères de calibrage, rupture de la chaîne du froid, mauvaise gestion des stocks, inadéquation entre l’offre et la demande, etc. Mais chacun d’entre eux a un rôle à jouer et dispose aussi de marges de manœuvre considérables pour le réduire. Le gaspillage alimentaire a des impacts très importants sur l’environnement. Cela se traduit par un gaspillage de ressources naturelles (eau, surface agricoles…) mais aussi des pollutions liées à la production des aliments (utilisation de pesticides, engrais chimiques…) et à leur destruction. D’après l’ADEME, l’empreinte carbone annuelle du gaspillage alimentaire serait de près de 15,5 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an en France, ce qui n’a rien d’étonnant lorsqu’on sait que l’alimentation représente à elle seule 36 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Mais l’impact environnemental du gaspillage alimentaire varie selon la nature des produits ainsi que les modes de production, de distribution et de consommation. Lutter contre ce scandale, c’est donc aussi favoriser le développement de systèmes d’alimentation plus durables pour tous.

La sécurité alimentaire de tous n’est pas assurée dans le monde alors même que nous produisons assez de denrées alimentaires pour combler les besoins énergétiques de chaque individu. Ainsi, aujourd’hui, 1 personne sur 9 souffre de sous-alimentation chronique dans le monde, soit 795 millions d’individus. Et si ce fléau touche principalement les pays en développement, il n’en demeure pas moins une problématique prégnante dans nos pays industrialisés. Rappelons que le fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD qui a remplacé le PEAD pour la période 2014-2020) permet chaque année de distribuer des repas à 18 millions d’Européens, dont près de 4 millions de Français. Par leurs actions de collecte et de redistribution de denrées à des populations fragiles, les associations d’aide alimentaire constituent ainsi des acteurs de premier plan de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Cependant, le don ne doit pas pour autant être considéré comme la première et seule mesure. Car une lutte à la source des gaspillages permettrait à la fois d’économiser des ressources mais aussi de réduire le prix des denrées et de favoriser leur qualité. Jeter des aliments, c’est aussi jeter de l’argent. Une facture salée qui, à l’arrivée, est réglée par le consommateur. En effet, chaque acteur tend à reporter les coûts économiques de ce gaspillage dans sa vente, ce qui se traduit au final par une hausse des prix alimentaires. Et la note du gaspillage alimentaire ne se limite pas au prix de vente des produits : on la retrouve également dans les taxes ou redevances versées par le contribuable pour le service public de gestion des déchets.
Selon la FAO, les conséquences économiques directes du gaspillage de produits agricoles (à l’exclusion du poisson et des fruits de mer) sont estimées à 750 milliards de dollars par an dans le monde, soit l’équivalent du tiers de notre PIB national. En France, le coût du gaspillage de denrées du champ à la poubelle représenterait 16 milliards d’euros annuels, d’après l’ADEME, soit 240 euros par an et par personne si l’on rapporte ce chiffre à l’ensemble de la population française. Du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, signé en 2013, à la loi Garot en 2016, jusqu’à la loi EGalim en 2018, la France a pris de nombreuses dispositions législatives pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Dans le même temps, elle soutient le développement d’outils dans les territoires pour que la réduction des pertes alimentaires revête une dimension concrète, au quotidien. Depuis le 11 février 2020, l’objectif national en France est de réduire le gaspillage alimentaire, d’ici 2025, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective et, d’ici 2030, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale. Au fil des années, l’arsenal législatif français s’est renforcé. Désormais, l’interdiction de rendre impropre à la consommation des denrées encore consommables s’applique aux industries agroalimentaires, aux grossistes, aux distributeurs et à la restauration collective. De même, ces acteurs ont l’obligation (au-delà d’un certain seuil) de proposer une convention de don à une association habilitée. Mais le vrai acteur qu’il faut mobiliser est le consommateur Réunionnais. L’adoption des codes alimentaires européens a conduit à accepter les diktats du beau dans nos étalages. Changeons nos mentalités pour que toute la production de nos agriculteurs soient consommé, c’est bon pour la santé, notre environnement et nos agriculteurs.

« Les armements, la dette universelle et l’ obsolescence programmée sont les trois piliers de la prospérité occidentale. Si la guerre, le gaspillage, et les usuriers sont abolis, vous vous effondriez. »
Aldous Huxley

Nou artrouv’

David Gauvin

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