Gaz renouvelable, une clé pour décarbonner l’énergie
29 mars 2022, par
La guerre en Ukraine rappelle la dépendance des économies au gaz fossile. Comme toute société occidentale, La Réunion vit sous le régime d’une économie carbonée pétrodépendante, et importe ses hydrocarbures par voie maritime.
Les 731 000 tonnes d’hydrocarbures importés à La Réunion transitent par le Grand port, puis sont stockés par la Société réunionnaise des produits pétroliers, entreprise détenant le monopole légal de cette opération sur l’île. Sur l’île plus encore qu’en métropole, les hydrocarbures sont hautement stratégiques, car entièrement importés et sur un seul site. La transition énergétique ne pourra pas se faire sans développer le gaz renouvelable, le biométhane. La transition énergétique… ce n’est pas que l’électricité ! Eh oui, quand on parle de transition énergétique, on parle toujours de sortir du charbon, sortir du nucléaire, et remplacer tout ça par des énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire. Mais tout ça, ça ne concerne que l’électricité. Pourtant, en réalité, on utilise bien d’autres formes d’énergie que l’électricité. D’ailleurs, en France, selon les chiffres du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire, seuls 26% de notre consommation d’énergie finale provient de l’électricité. Le reste, c’est essentiellement du pétrole (38%, notamment pour les voitures), du gaz (20%, notamment pour le chauffage) et des énergies renouvelables thermiques (11%, pour se chauffer à partir de la géothermie, la biomasse ou le solaire thermique). On voit bien qu’il ne faut pas se focaliser uniquement sur l’électricité !
Lors de la COP21 à Paris, le 12 décembre 2015, les Parties sont parvenues à un accord historique pour lutter contre le changement climatique et pour accélérer et intensifier les actions et les investissements nécessaire à un avenir durable à faible intensité de carbone. L’Accord de Paris rassemble toutes les nations autour d’une cause commune pour entreprendre des efforts ambitieux afin de combattre le changement climatique et de s’adapter à ses conséquences, avec un soutien accru pour aider les pays en développement à le faire. En tant que tel, il a tracé une nouvelle voie dans l’effort mondial en matière de climat. L’objectif central de l’Accord de Paris est de renforcer la réponse mondiale à la menace du changement climatique en maintenant l’augmentation de la température mondiale à un niveau bien inférieur à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts pour limiter encore davantage l’augmentation de la température à 1,5°C. Pour réduire nos émissions, il faut changer de modèle énergétique. La transition énergétique correspond au passage d’un système basé sur la production d’énergie issue de sources fossiles et fissiles (charbon, pétrole, gaz, nucléaire) vers des sources renouvelables. Le terme d’énergie renouvelable est employé pour désigner les énergies qui, à l’échelle humaine au moins, sont inépuisables et disponibles en grande quantité. Ainsi il existe cinq grands types d’énergies renouvelables : l’énergie solaire, l’énergie éolienne, l’énergie hydraulique, la biomasse et la géothermie. Leur caractéristique commune est de ne pas produire, en phase d’exploitation, d’émissions polluantes (ou peu), et ainsi d’aider à lutter contre l’effet de serre et le réchauffement climatique.
On considère comme gaz renouvelable, tout gaz produit à partir de ressources énergétiques renouvelables. « Les sources d’énergies renouvelables sont les énergies éolienne, solaire, géothermique, aérothermique, hydrothermique, marine et hydraulique, ainsi que l’énergie issue de la biomasse, du gaz de décharge, du gaz de stations d’épuration d’eaux usées et du biogaz. La biomasse est la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers. » Les gaz renouvelables sont issus de trois principales filières :
• La méthanisation : voie biologique qui se base sur l’utilisation de micro-organismes pour décomposer de la matière organique et produire du biogaz principalement composé de méthane et de dioxyde de carbone. Ce biogaz peut ensuite être épuré afin d’obtenir un gaz dont les propriétés thermodynamiques sont équivalentes au gaz naturel.
• La pyrogazéification ou gazéification : voie thermochimique au sens large, permettant de produire des combustibles solides, liquides ou gazeux à partir de matière organique. Selon les conditions de pression et de température, le procédé peut être orienté vers la production de gaz de synthèse appelé syngas et composé principalement de méthane, d’hydrogène, de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone. Il est possible de compléter le procédé afin d’obtenir un gaz dont les propriétés thermodynamiques sont équivalentes au gaz naturel.
• Le power-to-gas (PtG) : procédé de conversion d’électricité en gaz de synthèse. L’électricité doit être d’origine renouvelable pour considérer le gaz produit comme énergie renouvelable. La première étape est constituée par un électrolyseur produisant de l’hydrogène. Une deuxième étape peut être ajoutée pour convertir l’hydrogène en méthane par l’intermédiaire d’une réaction de méthanisation. Cette dernière réaction nécessite une source de CO2.
En 2050, la France pourrait être autonome en gaz renouvelable et même exportatrice, reste à industrialiser les procédés. En Chine, 17 millions de biodigesteurs transforment déjà, par un procédé de fermentation, le lisier en biogaz pour la cuisson et l’eau chaude sanitaire. La matière fermentée est récupérée pour alimenter les cultures en terreau naturel. C’est la méthanisation. Il existe 514 installations de ce type en France, dont 330 à la ferme, 88 en station d’épuration, 80 dans l’industrie et 16 dans des centres de traitement des déchets ménagers. Mais seules 48 d’entre elles purifient le biogaz pour obtenir du biométhane et sont raccordées aux réseaux de GRDF et de GRTgaz, les autres produisant sur place, par cogénération, de l’électricité et de la chaleur. La France n’en produit que 0,5 térawattheure (TWh), alors que l’objectif de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est de 8 TWh en 2023 pour atteindre 10 % de gaz renouvelable en France en 2030. Les gaziers sont confiants. Quelque 400 projets de raccordement d’installations de méthanisation sont dans les cartons. "Le gaz vert pourrait représenter 10 % de la consommation en 2025 et 30 % en 2030", assure Didier Holleaux, le directeur général adjoint d’Engie, reprenant à son compte le scénario volontariste du dernier bilan des transporteurs et distributeurs de gaz. "Il faut réviser à la hausse l’objectif de la PPE, prévient Thierry Trouvé, le PDG de GRTgaz. Mais cela suppose de changer de braquet." Pour atteindre 90 TWh de biométhane en 2030, il faudrait 4 000 sites d’injection et 15 milliards d’euros d’investissements de la part des producteurs. "C’est autant de gaz que l’on n’ira pas chercher au Qatar et aux États-Unis. De quoi réduire le déficit de la balance commerciale de l’ordre de 2 milliards d’euros", a calculé Thierry Trouvé. La Réunion ne peut rester en dehors de ce changement de paradigme. N’oublions jamais que le solaire ou l’éolien sont des énergies intermittentes à contrario le biogaz nous permettra d’atteindre très vite l’autonomie énergétique.
"L’unité de production de biogaz nous permet d’utiliser le fumier de vache pour générer du biogaz propre. On ne brûle rien pour la production, donc on n’émet aucun CO2." Denis Machnik
David Gauvin