Honduras : Xiomara Castro, femme de gauche élue pour tourner la page du néolibéralisme

2 décembre 2021, par David Gauvin

Pour la première fois de son histoire, le Honduras, petit pays d’Amérique centrale, sera gouverné par une femme de gauche. La victoire, dimanche dernier, de Xiomara Castro, l’épouse de l’ancien président Manuel Zelaya, est désormais actée. Une consécration pour cette ex-première dame, cheffe du parti Libre, qui s’était déjà présentée en 2013 à l’élection présidentielle.

Les Honduriens la connaissent coiffée d’un chapeau de cow-boy blanc, vêtue de rouge. Xiomara Castro, ancienne première dame devenue présidente d’un des pays les plus violents au monde. Elle avait choisi la lutte contre la corruption comme thème central de sa campagne. Une stratégie qui s’est avérée gagnante alors que son rival Nasry Asfura est justement accusé de malversation de fonds publics et qu’il vient de reconnaître le « triomphe » de Xiomara Castro qui le devance d’une vingtaine de points. Elle accédera donc à la fonction suprême le 27 janvier prochain.
La victoire a un parfum de revanche. « Douze ans de résistance n’ont pas été en vain », a-t-elle souligné lors de son premier discours, une allusion au coup d’État de 2009, qui a chassé du pouvoir son mari, le président Manuel Zelaya. C’était aussi à ce moment-là que Xiomara Castro décide de monter sur la scène politique, en défendant les couleurs du parti Liberdad y Refundacion (Libre), créé fondé par son mari.
Sans expérience politique, elle s’est présentée à l’élection présidentielle de 2013 mais l’a perdue face à Juan Orlando Hernandez. Sa victoire aujourd’hui, elle la doit également à une large coalition de partis de gauche et de centre gauche qu’elle a pu réunir derrière sa candidature. Mère de quatre enfants et âgée de 62 ans, elle n’hésite pas dans son programme à prôner la légalisation de l’avortement thérapeutique et du mariage homosexuel. Des thèmes ultrasensibles dans un pays très conservateur où la grande majorité des habitants est catholique ou évangélique.

Le Honduras, en forme longue la république du Honduras, en espagnol República de Honduras, est un pays situé en Amérique centrale, limité au nord par la mer des Caraïbes, qui compte de nombreuses îles, cayes et îlots, dont les plus importants sont les Islas de la Bahía et les îles du Cygne. Le Honduras est bordé à l’ouest par le Guatemala et au sud-ouest par le golfe de Fonseca, au sud-ouest par le Salvador et au sud par le Nicaragua. Le Honduras était le pays le plus inégalitaire d’Amérique latine en 2016. Abritant la plus grande base aérienne américaine d’Amérique centrale, le Honduras a longtemps servi de plaque tournante de la politique étrangère américaine, notamment en acheminant les armes vers les gouvernements de droite et les forces insurgées pour les utiliser contre la gauche. À leur tour, les gouvernements pro-américains souples de Tegucigalpa ont permis aux entreprises de vêtements américaines de fonder leurs ateliers clandestins dans des zones d’exportation spéciales. Depuis le début du 21e siècle, le pays doit faire face à la montée de la violence, impliquant notamment des gangs de mineurs (Maras) : une commission interministérielle permanente pour l’intégration morale et physique des enfants a recensé 744 meurtres de mineurs entre 1998 et 2005.Depuis le coup d’État de 2009, le Honduras présente le taux le plus élevé d’assassinats politiques dans le monde, par rapport à sa population. Les écologistes et syndicalistes sont particulièrement ciblés par ces assassinats, alors que l’impunité des crimes sociaux et politiques avoisine les 95 %.

Après le coup d’État de 2009, les gouvernements en place menés par le Parti national, ont fait de la précarité du travail une politique prioritaire de l’État, en appliquant les recommandations des organisations financières internationales, des transnationales et des propriétaires des principales entreprises, maquiladoras et banques du pays.

- Ainsi, sous le gouvernement de Pepe Lobo, et alors que Juan Hernández était président du Congrès national, le Programme national d’emploi horaire a été approuvé par le décret 230-2010 sur une base "temporaire", arguant que la loi était très bénéfique pour la population économiquement active car les travailleurs pouvaient exercer jusqu’à trois emplois simultanément.

- Quatre ans plus tard, (2014), par le biais du décret 354-2013, le congrès a approuvé de manière permanente la désastreuse loi sur le travail horaire, malgré les protestations des travailleurs organisés, qui ont mis en garde contre l’atteinte aux principales conquêtes ouvrières obtenues lors de la glorieuse grève de la banane de 1954, telles que : la stabilité du travail, la journée de 8 heures, les avantages sociaux, les congés payés, le paiement du quatorzième mois de salaire, la sécurité sociale et la libre syndicalisation.

- En outre, cette loi déplace les personnes ayant un emploi permanent qui, une fois qu’elles sont employées de façon précaire vers le salaire horaire qu’elles reçoivent, ne les ajuste pas pour couvrir le coût du panier alimentaire de base.

Les conséquences de ces recettes néolibérales, développées à l’étranger et appliquées au pied de la lettre dans ce pays par les barons au pouvoir, ont été désastreuses : la pauvreté est plus grande et touche plus de 70 % de la population ; la concentration des richesses entre quelques mains (oligarchie-militaire-civil) ; le démantèlement de l’État-nation par une dictature narco-oligarchique et militaire qui contrôle tous les pouvoirs de l’État, les médias corporatifs, les chefs des églises et la société civile ; la stagnation et la régression de l’économie ; la militarisation de la société ; les privatisations ; l’ouverture aux capitaux étrangers et les concessions des biens communs de la Terre Mère (extractivisme).

Le Honduras a aussi inauguré en avril un nouveau fief d’entreprises de haute technologie sur une île de villégiature des Caraïbes qui deviendra la dernière expérience du pays en matière de programmes de privatisation néolibéraux. La ville a sa propre constitution et son propre code juridique, et n’est tenue d’observer que le strict minimum de la Constitution hondurienne, avec une démocratie limitée aux propriétaires fonciers qui est fortement supervisée par des conseils d’administration d’idéologues néolibéraux et d’investisseurs milliardaires.
L’idée a été imaginée par Paul Romer, un professeur d’économie de NYU qui est devenu plus tard économiste en chef à la Banque mondiale qui pensait pouvoir créer un « Hong Kong » ou un « Dubaï » n’importe où dans le monde. Le contrôle effectif des ZEDE a été confié aux investisseurs et à un « secrétaire technique », qui doit être en principe un citoyen hondurien. Ils doivent répondre à une « commission des meilleures pratiques » (CAMP).

Les ZEDE n’ont été rendus possibles que par le coup d’État de 2009 soutenu par les États-Unis qui a renversé le président hondurien de gauche Manuel Zelaya. Après l’expulsion illégale de Zelaya par l’armée, Porfirio « Pepe » Lobo, qui avait perdu les élections de 2009 contre Zelaya, l’a remplacé. Le gouvernement de Lobo a rapidement adopté une loi créant des « régions spéciales de développement » (RED), que la Cour constitutionnelle a annulées en 2012 comme violant la souveraineté hondurienne.
Cependant, au lendemain de la décision, le congrès a révoqué les quatre juges qui ont voté contre la loi avant de modifier la constitution pour autoriser la loi ZEDE en 2013. Pendant ce temps, le Honduras faisait face à de fortes pressions de la part du Fonds monétaire international (FMI), qui a imposé en 2014 une « consolidation fiscale » – un euphémisme pour réduire les budgets des services sociaux du gouvernement – en échange d’un prêt de 189 millions de dollars.

Souhaitons que l’armée et le « protecteur américain » laissent Xiomara Castro mener son Pays sur la voie du progrès. Lors de sa campagne, elle a annoncé vouloir mettre en place un nouveau modèle, socialiste et démocratique, qui mette fin à la pauvreté, réduise les inégalités et la violence, fasse avancer les droits des femmes et lance un processus constituant. C’est donc un grand espoir qui s’ouvre au Honduras. Dans ce pays confronté à une grave situation sociale, économique et environnementale, cet espoir aura besoin d’un soutien résolu de la communauté internationale et des peuples solidaires pour se réaliser.

"Tant qu’il n y a pas de justice pour le peuple, Il ne peut y , avoir de paix pour son gouvernement. » Emiliano Zapata Salazar}}

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David GAUVIN

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