I bar pa la mèr èk in bote la paille

3 janvier 2013, par J.B.

Voilà une expression qui aurait bien pu inspirer notre collègue Justin. C’est une expression très vivante dans le langage courant des Réunionnais. Dans le contexte cyclonique actuel, cela veut dire que la mer est naturellement puissante et que toute volonté de s’opposer à elle est vaine et dérisoire. D’où l’image d’un paquet de paille qui s’apparente à ceux et celles qui utilisent un parapet pour contrecarrer la puissance de cet élément. En d’autres termes, cela montre l’humilité que nous devons manifester vis-à-vis de mère nature, notre mer.

Si une telle expression est très usitée dans la langue réunionnaise c’est tout simplement parce que nos ainés ont tiré beaucoup de leçons du passé. Ce qui n’est pas le cas des décideurs actuels qui s’abritent derrière « des expertises » pour se détourner de la sagesse populaire. Quelles monumentales erreurs !

Quand on voit le bétonnage du littoral saint-leusien, on a du mal à imaginer qu’en 1948 toute la ville avait été noyée sous les flots si bien que toute construction a été interdite jusqu’au milieu des années 70. Ceux qui, aujourd’hui, bétonnent à tour de bras, n’ont aucune conscience du passé, pourtant pas si lointain.

Toutes les occupations de la plage de Saint-Gilles et l’Hermitage, le bétonnage et la pression humaine exercée sur ces espaces sensibles ne datent que de quelques décennies. Auparavant, il s’agissait d’une zone marécageuse et il n’y avait qu’un petit village de pêcheurs, adapté au métier. Un modèle de société occidental totalement artificiel s’est implanté. En peu de temps, tout est remis en cause. Plus on tarde à tirer les leçons et plus les conditions de replis se feront dans la douleur.

Et que dire de la ville de Saint-Paul ? C’est une ville qui a été construite dans le cône de déjection de la ravine du Bernica dont les eaux s’écoulaient dans l’immensité de l’Étang, aujourd’hui réduit comme peau de chagrin. On a construit une digue à travers cet Étang pour protéger la ville mais jamais cette ville n’a été autant en danger depuis qu’elle est « protégée ». L’assèchement de l’Étang conjugué à l’inconscience des décideurs politiques a conduit à un urbanisme à même le sol. Nos anciens construisaient à 2 ou 3 pas de marches au-dessus de la route, quelques détails sont encore visibles sur la Chaussée Royale.

Croisons donc les doigts pour qu’un de ces quatre matins un cyclone ne vienne pas faire mentir les décideurs qui ont décidé de « bar la mer ek in botte la paille ».

J.B.


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