Invasion de l’Ukraine : le lourd passif des États-Unis et de l’OTAN explique de nombreuses abstentions à condamner l’État de Russie

2 mars 2022, par Manuel Marchal

L’OTAN et ses alliés mettent la pression sur les pays en développement pour qu’ils condamnent l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Mais depuis des décennies, le gouvernement des États-Unis et ses alliés ont montré ouvertement qu’ils ne respectaient pas le droit international quand il s’agit des intérêts de leur classe dominante, ce qui causé de nombreux morts et des millions de réfugiés. C’est un lourd passif.

Lundi, les deux camps impliqués dans la guerre en Ukraine ont envoyé leurs ambassadeurs rencontrer le ministre malgache des Affaires étrangères pour tenter d’obtenir le ralliement de Madagascar à leur parti dans la perspective d’un vote à l’ONU. Hier, Christian Ntsay, Premier ministre, a déclaré que Madagascar ne prend pas parti, donc pas de condamnation et pas de soutien de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Vendredi dernier au Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine, l’Inde et les Emirats arabes unis avaient décidé de ne pas prendre non plus parti au sujet d’un projet de résolution condamnant la décision de la Fédération de Russie d’envahir l’Ukraine.

A Madagascar, l’initiative commune lundi de l’Union européenne, de la Corée du Sud, des États-Unis, de la France, de l’Allemagne, du Japon, de la Norvège, du Royaume-Uni, de la Suisse et de la Turquie a été mal perçue par l’opinion. Notre confrère « l’Express » l’ a interprété comme une atteinte à la souveraineté de Madagascar. Le communiqué de l’Union européenne qui a suivi la rencontre présentait en effet ces États comme « les partenaires internationaux », un moyen de mettre la pression. Notre confrère a rappelé que le respect de l’intégrité territoriale doit aussi s’appliquer à Madagascar. Depuis que Madagascar a recouvré son indépendance en 1960, la France continue d’occuper des îles qui faisaient partie du Royaume de Madagascar au moment de son annexion par la France en 1896. Qui respecte l’intégrité territoriale de Madagascar ?

Dans notre région, la décolonisation inachevée de Madagascar n’est pas un cas isolé. Il est posé également aux Comores avec Mayotte sous administration française, et aux Chagos où cette décolonisation inachevée a eu pour conséquence la déportation de la totalité des Chagossiens avec interdiction de retourner dans leur pays. En 2019, l’administration des Chagos par le Royaume-Uni a été condamnée par un avis de la Cour internationale de Justice. Quelques mois plus tard, l’Assemblée générale de l’ONU a majoritairement voté un texte demandant au Royaume-Uni de quitter les Chagos et de favoriser le retour des Chagossiens dans leur pays. Nous sommes en 2022, rien n’a changé.

Par ailleurs, les États-Unis et les pays de l’OTAN ont multiplié les atteintes à la souveraineté et à l’intégrité territoriale des États. Depuis plus de 60 ans, Washington soumet Cuba à un blocus parce qu’une part importante de la classe dominante des États-Unis refuse de reconnaître le droit des Cubains à la souveraineté nationale. L’armée américaine occupe même une partie de Cuba : la base de Guantanamo. Le blocus est condamné par la totalité des États membres de l’ONU, à part les Etats-Unis et Israël, le blocus n’est toujours pas levé.
La décolonisation de la Palestine prévoyait la création de deux États. Depuis 1947, il n’en existe qu’un, Israël, qui veut coloniser toute la Palestine. Là aussi, cette violation du droit international est condamnée par une large majorité de la communauté internationale. Mais le droit des Palestiniens a un Etat souverain n’est pas respecté, à cause des États-Unis et de ses alliés.

En termes d’invasion d’un État souverain, les États-Unis et l’OTAN sont mal placés pour donner des leçons. En 1983, l’armée des États-Unis a envahi la Grenade pour renverser le gouvernement d’orientation progressiste. Quelle menace faisait peser cette petite île sur la sécurité d’un pays doté de la bombe atomique et qui l’avait déjà utilisé contre des civils au Japon ? En 2003, les États-Unis et l’OTAN envahissent l’Irak sur la base de faux-documents. Ils y placent un gouvernement aux ordres, et occupent le pays pendant plusieurs années. En 2011 sous l’impulsion de la France, l’OTAN bombarde la Libye et envoie des troupes au sol pour renverser son gouvernement légitime. Ceci a provoqué la déstabilisation du Sahel lourdement payée par plusieurs États africains. Cette liste n’est pas exhaustive.

Le respect de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale d’un État et des droits de l’Homme ne peuvent être à géométrie variable, en fonction des intérêts de la classe dominante des États-Unis et de l’OTAN. Ce lourd passif explique pourquoi la condamnation de l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine, chef des armées de la Fédération de Russie, ne pourra aboutir à un soutien quasi unanime de la communauté internationale.

M.M.

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  • A l’assemblée générale de l’ONU :
    141 pays ont voté la résolution condamnant la Russie ; 5 contre ( dont la russie et la Biélorussie), 35 abstentions et 11 n’ont pas pris part au vote pour des raisons diverses. 73,43 % des pays ont donc condamné cette agression. C’est énorme. Quant aux abstentions ;c’est souvent pour des raison économiques et financières. les USA n’ont rien à voir


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