Krach boursier en approche : va-t-il briser la reprise post pandémie, ou simplement mettre fin aux bulles spéculatives

28 janvier 2022, par David Gauvin

Un krach de grosse ampleur a-t-il déjà commencé ? C’est fortement possible et l’on sent bien la fébrilité sur les marchés depuis quelques semaines maintenant. Hier la bourse de Paris voyait son indice phare, le CAC 40 perdre 3,97 % en une séance.

Photo Elbie Ancona, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/license...> , via Wikimedia Commons

Alors que le monde semble s’approcher de la fin de la crise sanitaire, comme certains l’annoncent depuis maintenant presque deux ans, c’est la crise financière, puis économique qui vont prendre le relais. C’était prévisible. Tout ce que nous avons dépensé sans compter, tous les déséquilibres que nous avons créés pendant ces temps de pandémie vont venir désormais nous hanter, et nous devrons les affronter. Création monétaire excessive, taux trop bas et argent qui n’a plus de prix, retour d’une inflation bien plus importante et plus durable que prévu, crainte de hausse de taux et de la normalisation des politiques monétaires par les banques centrales, fin du « quoi qu’il en coûte » mondial, sont autant d’éléments qui plaident pour un krach important. Pourtant, malgré cela, la raison, ou plutôt les raisons les plus importantes ne sont pas exposées ici. Disons que les choses n’arrivent jamais par hasard, pas plus les crises économiques que les guerres. D’un point de vue analytique, les banques centrales et les autorités monétaires ont intérêt à un krach boursier. Aujourd’hui et maintenant. Si c’est de l’intérêt du système alors, le krach aura lieu. Si un tel évènement va à l’encontre des intérêts du système, alors il n’aura pas lieu et il sera repoussé aux calendes grecques !

Jeremy Grantham, le célèbre investisseur qui, depuis des décennies, annonce des bulles sur les marchés, a déclaré que l’effondrement historique des actions qu’il avait prédit il y a un an est en cours et que même l’intervention de la Réserve fédérale ne pourra pas empêcher un plongeon de près de 50 %. Jeremy Grantham a 83 ans et quelques heures de vol à son actif. Comme Warren Buffett ce sont des maîtres du marché et de la bourse. Ne pas les écouter est toujours une erreur.
Dans une note publiée jeudi dernier, Grantham, cofondateur du gestionnaire d’actifs GMO de Boston, décrit les actions américaines comme étant dans une « super bulle », la quatrième seulement depuis le siècle dernier. Et tout comme lors du krach de 1929, de l’effondrement des dot-com en 2000 et de la crise financière de 2008, il est certain que cette bulle va éclater, renvoyant les indices aux normes statistiques et peut-être même au-delà. Selon lui, cela implique que le S&P 500 chute d’environ 45 % par rapport à la clôture de mercredi – et de 48 % par rapport à son sommet du 4 janvier – pour atteindre un niveau de 2 500. Le Nasdaq Composite, qui a déjà perdu 8,3 % ce mois-ci, pourrait subir une correction encore plus importante. « Je n’étais pas aussi certain de cette bulle il y a un an que je l’avais été de la bulle technologique de 2000, ou que je l’avais été au Japon, ou que je l’avais été de la bulle immobilière de 2007 », a déclaré Grantham dans une interview Bloomberg « Front Row ». « Je me sentais hautement probable, mais peut-être pas encore presque certain. Aujourd’hui, je pense que c’est presque certain ».

Les actions ont largement chuté la semaine dernière, alors qu’une série d’annonces décevantes de la part des entreprises s’est heurtée aux craintes des investisseurs concernant une hausse des taux d’intérêt due à l’inflation. Le cours de l’action Netflix, par exemple, a chuté de plus de 20 %, car ses perspectives de croissance des abonnements ont déçu les analystes. La valeur nette du cofondateur et PDG de la société, Reed Hastings, a chuté d’un milliard de dollars, à 4,1 milliards de dollars, en réaction à la nouvelle. Un autre grand perdant : Stéphane Bancel, PDG de Moderna, dont la fortune a chuté de 22 %, à 5,2 milliards de dollars, alors que l’action a baissé pendant six jours consécutifs, à la lumière de recherches de plus en plus nombreuses suggérant que le booster Covid-19 de la société est moins efficace contre le variant Omicron. Les valeurs technologiques dans leur ensemble ont été particulièrement touchées par les hausses de taux d’intérêt imminentes. Chacun des trois principaux indices boursiers a chuté de plus de 4 % cette semaine, mais la chute de plus de 7 % du NASDAQ a été la plus forte. Les cofondateurs de SnapChat, Evan Spiegel et Bobby Murphy, ont été particulièrement touchés, leurs fortunes ayant toutes deux chuté de plus de 10 % la semaine précédente, soit près d’un milliard de dollars chacune. En fait, tous les milliardaires du top 10 des personnes les plus riches du monde, à l’exception d’un seul, ont perdu au moins 3 milliards de dollars, y compris Mark Zuckerberg et les cofondateurs de Google, Larry Page et Sergey Brin. Les valeurs nettes des fortunes d’Elon Musk (Tesla) et de Jeff Bezos (Amazon) ont toutes deux diminué de plus de 19 milliards de dollars, ce qui a entraîné un bouleversement du classement des trois personnes les plus riches du monde. Les actions du conglomérat de produits de luxe LVMH de Bernard Arnault ont en fait légèrement augmenté la semaine dernière, ajoutant 4,5 milliards de dollars à sa fortune et le propulsant devant Bezos.

L’expérience montre que les conséquences des krachs sont très variables. Le krach de 1873 inaugure ainsi une période de difficultés économiques durables jusque vers la fin du siècle. De même, le krach de 1929 a été suivi d’une longue période qualifiée de grande dépression. Par contre le krach de 1987 ne s’est pas transformé en crise économique. Celui de 2000-2001 n’a entraîné qu’un ralentissement économique. En fait, un krach boursier a pour effet économique direct de diminuer la richesse des détenteurs des actifs dévalorisés, ce qui entraîne une diminution de leur consommation dans la mesure où ils chercheraient à augmenter leur épargne pour reconstituer la valeur de leur patrimoine. Mais cet effet direct sera amplifié si les détenteurs d’actifs dévalorisés s’étaient endettés dans le climat d’euphorie spéculative. Un krach peut entamer la confiance générale des ménages et des entrepreneurs. En fait, un krach aura d’autant plus d’impact sur l’activité économique que les difficultés financières des spéculateurs se transmettront aux banques via les difficultés de remboursement des crédits des spéculateurs avec pour conséquences des risques de faillites bancaires et des resserrements des conditions de crédit. Le krach s’accompagne de besoins de liquidités importants, en particulier pour les spéculateurs qui s’étaient endettés pour acheter des actifs et qui ne peuvent plus compter sur leurs plus-values pour les rembourser. De leur côté, les banques, fragilisées, restreignent les crédits qu’elles accordent, ce qui aggrave la situation de leurs clients (en amplifiant l’effet richesse négatif). Le risque est alors l’enchaînement de la debt deflation (la déflation par la dette) analysée par Irving Fisher en 1933 : chute du prix des actifs financiers, désendettement, chute de la profitabilité des entreprises, de la confiance et de l’activité. La chute du niveau général des prix entraîne la hausse des taux d’intérêt réels (l’inflation chute plus rapidement que les taux d’intérêt nominaux) et la réduction du crédit et de la masse monétaire (avec la baisse de la vitesse de la circulation de monnaie dans l’économie). La crise boursière est susceptible alors de se transformer en une crise économique majeure comme celle qu’ont connue les États-Unis après le krach de 1929 ou la « grande récession » de 2008 qui a touché toute l’économie mondiale. Comme toujours leur folie spéculative va impacter notre vie.

« Se battre, être le plus fort dans la dure guerre de la spéculation, manger les autres pour ne pas qu’ils vous mangent, c’était, après sa soif de splendeur et de jouissance, la grande cause, l’unique cause de sa passion des affaires. » Emile Zola

Nou artrouv’

David Gauvin

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