Guerre d’Irak

L’avenir en questions

Deux certitudes se dégagent et suscitent bien des questions.

11 avril 2003

Premièrement, un tyran vient d’être chassé du pouvoir. Mais on peut se demander s’il était nécessaire, pour cela, de faire subir au peuple irakien tout ce qu’il a subi depuis 1991. À l’époque, les USA et la coalition internationale avaient jugé indispensable de maintenir Saddam Hussein au pouvoir. Il en a profité pour réprimer durement la révolte chiite pourtant encouragée par le gouvernement de George Bush père.
Toutes les contre-vérités, propagées à longueur de journées pour justifier la guerre, ont volé en éclats. George W. Bush en personne est venu affirmer que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive. Où sont-elles ?
On nous a dit que la garde républicaine était l’équivalent irakien des marines US.
Pour justifier trois semaines d’intenses bombardements sur l’Irak, et l’envoi d’un corps expéditionnaire démesuré en nombre et en puissance de feu on nous prédisait une Bagdad soumise à l’enfer d’une sanglante guérilla urbaine. Sans regrets non constatons qu’il n’en a rien été.
Et on peut continuer ainsi la liste des mensonges martelés sur la quasi totalité des médias.

Deuxièmement, la "pax americana" poursuivant une expansion annoncée, cela exige de scruter l’avenir.
• Fort de sa victoire, G. W. Bush va-t-il maintenant s’attaquer à l’Iran, la Syrie ou encore la Corée du Nord, des pays dont il proclame - comme il l’a fait pour l’Irak - qu’ils appartiennent à l’« axe du mal » ?
• Le gouvernement des États-Unis va-t-il réserver aux autres dictatures du monde le même sort que celui réservé à la dictature irakienne ?
• Quant à l’Irak, les vainqueurs d’aujourd’hui respecteront-ils ses frontières ou bien le dépèceront-ils comme a été dépecée l’ex-Yougoslavie ?
Le Kurdistan irakien sera-t-il érigé en région autonome avec toutes les conséquences que cela entraînerait pour la Turquie, qui compte sur son territoire la plus forte partie du peuple kurde ? La même question se pose aussi pour l’Iran puisque - tout comme l’Irak et la Turquie - ce pays comprend une partie du Kurdistan.
On le voit, toute cette zone du Kurdistan risque de connaître de nouveaux troubles. Et qui peut prédire ce qu’il adviendra du Sud de l’Irak ?
• Quant à la famille régnante d’Arabie Saoudite, comment reçoit-elle l’annonce selon laquelle les dirigeants américains envisagent de ne plus accepter que l’Irak soit membre de l’OPEP afin de permettre aux USA de peser tout à leur aise sur les prix du pétrole ?
• Comment les peuples humiliés et offensés de la région supporteront-ils un protectorat américain sur l’Irak ?
• Verra-t-on se développer des actions désespérées toujours plus destructrices ?
• Tirant profit de la victoire américaine, les ultras israéliens ne seront-ils pas tentés de multiplier encore et encore les obstacles à la paix au Moyen-Orient ? Ne chercheront-ils pas à réduire encore un peu plus le peuple palestinien au silence ?
• Quelles conséquences tous ces événements vont-ils avoir sur la croissance aux États-Unis, d’une part, et dans les pays européens frappés par la crise, d’autre part ?
• Et l’ONU ? retrouvera-t-elle sa crédibilité ou bien en sera-t-elle réduite désormais à jouer le rôle de "chambre d’enregistrement" des décisions gouvernementales américaines légitimant ainsi une nouvelle ère de l’Histoire modelée par la loi du plus fort ?

Sur le terrain s’achèvent les opérations militaires qui concrétisent la guerre. Mais la période qui commence démontrera que le recours à la guerre ne résout jamais rien. Dans le fracas des bombes et le silence des tombes, une autre page d’Histoire vient de s’ouvrir.
Sans risque de se tromper, on peut - hélas - prédire qu’elle sera tragique.


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