L’État doit sauver l’agriculture réunionnaise
22 juin 2022, par
A quelques jours de la coupe, les agriculteurs ne savent toujours pas le prix qu’ils seront payés. Quel intérêt à l’industriel pour repousser les négociations ? Pourquoi les pouvoirs publics ne répondent pas ? Tout cela laisse à croire que l’avenir de l’agriculture n’intéresse pas grand monde au sein des élites élues.
La filière canne à sucre est le premier secteur agro-industriel de l’économie réunionnaise reposant sur un modèle social composé d’exploitations familiales de petite dimension (7,6 ha en moyenne) réparties sur tout le territoire. Elle représente 13 % des emplois privés de l’île (18 300 emplois, directs, indirects et induits ou plus de 12 000 Équivalents temps plein travaillés). La filière constitue donc l’un des principaux pourvoyeurs d’emplois de La Réunion. L’agriculture réunionnaise repose sur 3 filières complémentaires, fonctionnant en symbiose : l’équilibre de l’une de ces filières dépend de celui des 2 autres.
Compte tenu de la vulnérabilité de l’agriculture réunionnaise aux importations (productions végétales et animales), la filière Canne-Sucre, exportatrice, constitue le pilier de l’agriculture réunionnaise autour duquel se développent les autres filières de diversification. En outre, la filière participe à l’autonomie énergétique comme seconde source d’énergie renouvelable de l’île (jusqu’à 30 % des besoins électriques de l’île en campagne sucrière). C’est pourquoi, les accords interprofessionnels de la filière canne ont été majeurs pour l’avenir de l’agriculture réunionnaise.
Le prix du sucre va augmenter, le prix de l’engrais explose mais le propriétaire des deux usines sucrières refuse de discuter de toute augmentation de sa contribution au revenu des planteurs. Tereos veut le gel du prix pour les deux prochaines campagnes sucrière, et menace de baisser le prix de la canne ensuite si l’État ne lui donne pas plus d’argent, sous la forme d’un « filet de sécurité ». Face à un tel diktat le monde agricole a fait front. Tereos a pourtant obtenu en mars une aide garantie de 28 millions d’euros par an jusqu’en 2027. On sait maintenant la stratégie de l’usinier, ponctionner le contribuable et rationner le planteur.
Tereos dans son dernier rapport trimestriel se félicitait : « Dans un contexte de forte volatilité sur les marchés des matières premières agricoles et de l’énergie, le Groupe présente des résultats en hausse par rapport à l’an dernier. Le chiffre d’affaires consolidé s’est établi à 1 345 millions d’euros au T3 21/22, en hausse de 17 % à taux de change courant et de 15 % à taux de change constant, contre 1 152 millions d’euros au T3 20/21. L’EBITDA ajusté consolidé est ressorti à 223 millions d’euros au T3 21/22, en hausse de 65 % à taux de change courant comme à taux de change constant, contre 135 millions d’euros au T3 20/21. Sur les 9 derniers mois, l’EBITDA ajusté s’est établi à 424 millions d’euros contre 373 millions d’euros à fin décembre 2020. » Donc les résultats de l’usinier sont exceptionnels mais nécessitent toujours que le contribuable mette la main au porte feuille et que les planteurs fassent faillite.
L’État doit imposer une nouvelle convention canne revalorisée, quitte à nationaliser les usines. Charge à lui ensuite de mettre en place une solution pérenne permettant aux planteurs d’avoir des revenus décents à la hauteur de leur labeur.
« Avec la prise de possession des moyens de production par la société, la production marchande est éliminée, et par suite, la domination du produit sur le producteur. L’anarchie à l’intérieur de la production sociale est remplacée par l’organisation planifiée consciente. » Friedrich Engels
Nou artrouv’
David Gauvin