L’exclusion du SWIFT : l’ultime sanction économique pourrait faire basculer le monde dans une autre ère

28 février 2022, par David Gauvin

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les Occidentaux ont pris des sanctions contre la Russie. Ils viennent de frapper plus fort pour atteindre le système financier russe : exclure la Russie de Swift. Cette exclusion va accélérer la mise en oeuvre d’un système alternatif qui fera tomber la dépendance mondiale au dollar.

Exclure les banques russes du système Swift, la plateforme d’échanges entre banques, la menace pesait mais, cette fois, les pays de l’Union européenne sont tombés d’accord. Ils ont décidé de débrancher Moscou du système interbancaire samedi 26 février. Certains grands établissements russes vont être touchés. « Cela entraînera leur déconnexion du système financier international », a indiqué la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen.
Comment fonctionne ce système ? Au moment d’effectuer un paiement, une banque russe envoie un message à une banque française, le code permet de se reconnaître instantanément, de manière sécurisée. L’ordre de payer est donc donné. Sans ce système d’identification entre banques, les transactions financières seront donc beaucoup plus compliquées pour la Russie. « Ça met vraiment en dehors du système de paiement toutes les entreprises qui sont liées à ces activités en dollars donc toutes les activités sur le pétrole et sur le gaz naturel », explique Nathalie Janson, enseignante chercheuse à Neoma Business School. Swift est le système le plus répandu, mais il en existe d’autres. La banque russe a même créé son réseau.

Swift, c’est l’acronyme de Society of Worldwide Interbank Financial Telecommunication. Il s’agit en fait de l’un des plus importants réseaux de messagerie bancaire et financière, permettant les règlements interbancaires entre les établissements financiers du monde entier. Créée en 1973, la société Swift, basée en Belgique, a lancé son propre réseau en 1977. Ouvert en 2001 aux entreprises privées, il permet, entre autres, la transmission des informations bancaires nécessaires à une transaction. Un moyen de faciliter le transfert d’argent à l’international. Une sorte de prestataire lors de transferts d’argent, utilisé par des milliers de banques, qui permet la transmission rapide d’informations entre les banques, pour que ces dernières puissent réaliser rapidement les différents paiements ou virements. En Russie, près de 300 banques utilisent ce réseau. Les exclure de celui-ci, c’est limiter fortement leurs relations avec les autres banques internationales. Surtout lorsqu’on sait combien d’opérations de transmission d’informations sont effectuées : selon le dernier rapport annuel de Swift, une moyenne de 42 millions de messages quotidiens a transité via Swift en 2021 pour permettre des versements entre comptes. Il faut noter que la monnaie utilisée pour tous les échanges est le dollar américain. Washington peut donc contrôler les échanges internationaux par sa monnaie.

La Russie produit 10 % du pétrole consommé dans le monde et fournit 40 % du gaz utilisé en Europe. Elle est aussi le premier exportateur mondial de céréales et d’engrais, le premier producteur de nickel et de palladium, le troisième exportateur de charbon et d’acier et le cinquième exportateur de bois. L’exclusion du système SWIFT de la onzième économie mondiale, qui fournit le sixième de l’ensemble des matières premières de la planète, est donc sans précédent depuis le début de la mondialisation des échanges. Au moins dix traders spécialisés dans le pétrole et les matières premières, qui ont parlé à Reuters en requérant l’anonymat, ont déclaré que les flux de matières premières russes vers l’Occident seraient fortement perturbés voire totalement interrompus pendant plusieurs jours, sinon plusieurs semaines, le temps de mettre au clair les éventuelles exemptions. « On pourra encore utiliser certains systèmes internes de banques internationales disposant d’une présence en Russie mais ce sera sûrement le bazar », prévient un banquier d’un grand groupe financier occidental exposé au marché russe, qui a lui aussi requis l’anonymat en arguant du caractère sensible du dossier. « Il semble donc que la douleur sera maximale pendant les deux ou trois prochains jours, le temps que les gens fassent le point sur les circuits qui restent ouverts », a-t-il ajouté. Les flux d’énergie et de matières premières russes vers l’Asie, et particulièrement la Chine, devraient en revanche se poursuivre.

La Russie et la Chine ont décidé, il y a plusieurs années, de mettre en place des structures financières communes afin d’éviter les sanctions et les pressions économiques exercées par des tiers. L’une des principales bases d’un tel système a été posée en 2010, lorsque Vladimir Poutine a annoncé que le commerce bilatéral entre la Russie et la Chine serait réglé en roubles et en yuans chinois, plutôt qu’en dollars américains. Depuis 2014, la Russie a ensuite développé le SPFS, qui, en 2018, a déjà été utilisé par au moins 400 institutions financières (presque exclusivement russes). Jusqu’à présent, le système a des coûts de transaction plus élevés que SWIFT, ce qui constitue toujours un obstacle sérieux à une adoption généralisée. En 2015, la Chine a lancé une première version de son système CIPS. Toutefois, ce système ne deviendrait pas une alternative complète à SWIFT. En effet, le CIPS ne traiterait pas les transferts d’argent, mais se contenterait d’envoyer des ordres de paiement. Plus tard dans l’année, les autorités chinoises ont également annoncé que le CIPS ne serait utilisé que pour les transactions commerciales transfrontalières avec le Renminbi, et non pour les transactions liées au capital. Enfin, le CIPS a été partiellement relié au SWIFT en 2016. Un accord a été signé donnant un consentement mutuel pour utiliser SWIFT comme canal de communication pour connecter le CIPS avec les institutions utilisant SWIFT. Toutefois, il a récemment été question d’intégrer le SPFS russe et le CIPS chinois. Les deux systèmes seraient prêts à être reliés, créant ainsi un écosystème financier russo-chinois indépendant. Toutefois, il reste à décider si le rouble ou le yuan chinois sera utilisé comme monnaie, ce qui pourrait donner lieu à d’âpres discussions (qui pourraient se terminer en faveur de la Chine). Une sanction occidentale qui retire la Russie du SWIFT pourrait bien accélérer le développement du SPFS et du CIPS, ce qui pourrait aussi être l’une des raisons pour lesquelles certains membres de l’OTAN sont plutôt réticents à imposer cette punition économique ultime à Poutine. La finalisation de cette intégration ouvrira une alternative et permettra au monde d’être guéri du virus dollar par lequel les États-Unis continuent à contraindre le monde. Si le système est expurgé de la dépendance au dollar, le principe d’extraterritorialité des sanctions économiques américaines tombe de lui-même.

« Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt »

Nou artrouv’

David Gauvin

A la Une de l’actuUkraine

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • A défaut de jouer au petit dictateur sans être élue démocratiquement, Mme Ursula Von der Leyen est une quiche en économie.
    Non seulement, elle s’attaque aux organes de Presse en outrepassant son autorité (RT et Sputnik) pour étendre sa propagande de guerre mais elle va accélérer la déchéance économique du l’UE ainsu qie l’impérialisme des E.U.
    M. Poutine ne dirige pas une république bananière à patienter une invasion de l’OTAN.
    Son pays est autosuffisant.
    La contre-attaque aux sanctions économiques injustes (L’Ukraine à ce jour ne fait ni partie de l’UE et encore moins de l’OTAN) va être expéditive.
    La Chine a déjà des griefs contre l’UE et les USA, et elle ne va surtout pas se gêner pour coopérer avec la Russie. Un contrat de gaz est en cours de négociation pour la Sibérie en passant par la Chine, la transaction se fera en Yuan, la Russie va passer par le CIPS pour démonter le SWIFT (pour le coup, la société Belge à mal joué son coup) et d’autres sanctions pourraient venir.
    La russie peut parfaitement vivre en autarcie pendant au minimum 2 ans alors que l’UE, pas plus de 2 mois.
    Le triumvira : USA, UE et UK jouent avec le feu à coup de propagandes mais beaucoup de citoyens sont trés bien informés des manigances de ces technocrates peu intelligents qui oublient que cet ordre mondial qui se construit contre la volonté des peuples peut s’écrouler d’un battement de cils.
    La Russie n’est certainement pas toute seule à ce jeu.
    La réaction attendue est celle de l’Inde. Sortira-t-elle de la pression Américaine pour se joindre à la Russie, pour l’équilibre dans le monde contre l’impérialisme ?


Témoignages - 80e année


+ Lus