La détresse des autres

19 mai 2011, par Geoffroy Géraud-Legros

Droit au logement : dès 1944, cette innovation sociale figurait dans l’inventaire dressé par le CNR (Conseil national de la Résistance). Dans l’élan de la Résistance et celui, retrouvé, du Front populaire des années 1930, les forces qui émergeaient des ténèbres fascistes jetaient les bases d’un pacte républicain régénéré par sa dimension sociale. Que plus un seul citoyen ne vive sans travail, sans soins, sans éducation. Que plus un citoyen ne soit privé d’un toit : ces nouveaux droits sociaux venaient s’ajouter aux droits politiques conquis par la grande Révolution française. Intégrés à la première Constitution d’après-guerre, ils sont toujours rattachés à la norme suprême par la Constitution de 1958.

C’est cet héritage de lutte et de Libération que le sarkozisme s’emploie à rogner, à saper, à dégrader et à abattre, pour le plus grand profit des rapaces intérêts qui l’ont aidé à étendre son emprise sur la République. Une politique de démolition, qui frappe et meurtrit tous azimuts la chair et l’esprit des plus démunis, ceux-là mêmes auxquels une ère de progrès avait voulu rendre leur dignité.
Casse sociale, oui, qui utilise tout l’arsenal mis à la disposition de ceux qui enserrent les rênes du pouvoir : lois, règlements, utilisation de tout l’appareil répressif d’État. Mais qui agit aussi, comme si ce n’était pas assez, par la manipulation, la démagogie et le mensonge… avec pour but, comble du cynisme, de retourner contre leurs propres intérêts les premières victimes de la dégradation des droits sociaux. Et c’est bien cela qui s’est passé avant-hier à Saint-Paul, lorsqu’une femme issue de l’Éperon s’est aspergée d’un liquide inflammable dans le but d’attenter à ses jours. À Saint-Paul aujourd’hui, au Port hier, c’est la misère réelle que l’on va chercher, que l’on attise et que l’on porte à incandescence, pour la transformer en ressentiment politique contre les élus-e-s qui, envers et contre tout, tentent de répondre à l’urgence sociale.

Voit-on de tels drames au Tampon, où le maire archi-cumulard et proche de Nicolas Sarkozy a refusé de bâtir le quota légal de logements sociaux, préférant faire payer l’amende à la population de sa ville ? De tels évènements se produisent-ils en terre UMP ? Non. On voit ces choses sur le territoire des communes où la priorité est donnée au développement du logement social ou au rattrapage du retard dans ce domaine. Se prévalant de leurs propres turpitudes d’une manière qu’il faut bien qualifier d’ignoble, les adversaires du progrès social manipulent les victimes contre leurs intérêts… sous couvert d’un apolitisme revendiqué qui ne trompe personne. L’exigence de clarification est désormais impérative : il faudra bien que l’opinion réunionnaise sache qui persuade des mères, fragilisées à l’extrême, de dormir dans la rue avec des nourrissons. Qui force la main aux plus démunis pour qu’ils refusent les solutions qui leur sont proposées ? Qui a poussé l’aveuglement sectaire et la magouille politicienne jusqu’au point de non-retour lorsqu’avant-hier, une Réunionnaise était près de se donner la mort par les flammes… pour le seul profit de ceux qui vivent de la détresse des autres ?

G.G.-L.


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