La vérité commence à éclater à Air Austral

26 février 2015, par J.B.

Au mois de novembre, c’était il y a trois mois, Didier Robert organisait une manifestation devant la préfecture sur le thème de la continuité territoriale. Nous écrivions à l’époque que c’était une diversion chargée de détourner l’attention de graves difficultés à venir pour Air Austral. C’était d’ailleurs une évidence. Didier Robert était alors, et reste jusqu’au mois prochain, triple président de la Région Réunion, d’Air Austral et de l’actionnaire à 98 % d’Air Austral, la SEMATRA. S’il avait donc la volonté de faire baisser le prix du billet d’avion, il n’avait qu’un geste à faire. Le prix du pétrole s’était déjà effondré, il disposait donc des leviers pour répercuter cette baisse sur le prix payé par l’usager. Mais les prix n’ont pas baissé, donc tout cela n’était que diversion.

Il est important de rappeler la raison d’être d’Air Austral : le désenclavement de La Réunion. Pour cela, avait été créée une compagnie aérienne avec des actionnaires largement majoritairement privés. Le capital initial était détenu par Air France, par d’autres investisseurs privés, la SEMATRA complétant le tour de table. En 2002, la compagnie Air Lib a fait faillite. La liaison avec la France n’était plus assurée que par Air France pour l’essentiel, et par Corsair. Afin d’éviter le retour au monopole préjudiciable au désenclavement, Air Austral a franchi le pas en devenant une compagnie intercontinentale. Air France s’est ensuite brutalement retirée du capital, car elle considérait Air Austral comme un concurrent. Une solution impliquant des investisseurs réunionnais a permis d’éviter la déstabilisation de la compagnie et d’empêcher son rachat par un groupe extérieur.

Air Austral a ensuite connu ensuite un développement important, passant devant Air France sur la liaison avec l’Europe. Elle a pu construire une crédibilité si importante qu’Airbus a jugé que la compagnie réunionnaise était le partenaire idéal du lancement de l’Airbus A380 densifié, un avion de plus de 800 passagers. Air Austral et Airbus travaillaient pour mettre au point l’avion qui allait faire baisser les prix de 30 % toute l’année sans subvention.

L’arrivée au pouvoir de Didier Robert à la Région allait être l’opportunité pour les adversaires d’Air Austral de faire capoter ce projet. En 2011, le prix du pétrole a connu une augmentation brutale qui a eu des répercussions financières négatives sur toutes les compagnies. C’est l’occasion saisie par les adversaires d’Air Austral pour lancer une campagne afin de chasser la direction réunionnaise. Didier Robert s’octroie la présidence d’Air Austral. Sa première mesure est de stopper le plan d’économies mis en place par Air Austral, ce qui aggrave le déficit. Puis il décide de remplacer la direction réunionnaise par un employé d’Air France. L’opération suivante fait dégager les investisseurs privés du capital. Par un coup d’accordéon, la SEMATRA, présidée par Didier Robert, injecte plus de 60 millions d’euros dans le capital, et devient actionnaire à 98 % d’Air Austral.

Dans le même temps, la Région Réunion, présidée par Didier Robert, a considérablement augmenté les crédits de l’aide au voyage, qui atterrissent directement dans les caisses des compagnies aériennes. La Région a mis 24 millions d’euros dans cette subvention l’an dernier. La manne permet donc de gonfler artificiellement les recettes d’Air Austral, d’Air France, de Corsair et d’Air Mauritius.
Il était clair que ce mélange des genres ne pouvait plus durer. Le scandale a donc éclaté au grand jour et Didier Robert est chassé de la présidence. Mais il a fait des dégâts considérables, la vérité commence à éclater.

Car Air Austral est maintenant une compagnie financée à 98 % par un actionnaire public, et n’aura aucun élu réunionnais dans son Conseil d’administration, l’organe qui décide de la stratégie. Comment garantir le désenclavement de La Réunion sans être en capacité de peser sur la stratégie d’Air Austral ?

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