Laurent Vergès, la jeunesse rebelle

30 avril 2022, par David Gauvin

Le 12 octobre 1988, le député Laurent Vergès, 33 ans, décéda des suites d’un accident survenu sur la route du Littoral le 7 octobre. Le jour même, les communistes avaient fait leur entrée dans la majorité du Conseil général dirigée par Eric Boyer. C’est Laurent Vergès qui, au nom du PCR, avait mené les négociations pour la signature d’une plateforme d’accord inédite entre le Parti communiste réunionnais, le RPR et de l’UDF contre l’union de la fédération du parti socialiste et des Barristes menée par José Pinna, alors maire et conseiller général de l’Etang-Salé.

Nous savons tous que des commémorations d’anniversaire peuvent parfois avoir un contenu formel. Mais quand nous pensons au 23 avril au 67e anniversaire de la naissance de Laurent Vergès, nous ne pouvons nous priver de vivre un moment d’émotion mais aussi et surtout de réflexion sur la vie et l’œuvre de ce grand Réunionnais. En effet, Laurent, décédé à la suite d’un accident sur la route du littoral à 33 ans, a profondément marqué l’Histoire de son pays, par la qualité et la force de son engagement au service de son peuple. Et si nous pensons à lui aujourd’hui, c’est notamment pour tirer des enseignements de ses combats, 23 ans après sa tragique disparition.

Avant-dernier des cinq enfants de Laurence et Paul Vergès, neveu de Jacques Vergès, Laurent Vergès entre très tôt en politique. Après le bac, il entame des études en sciences économiques à l’université de La Réunion. Il abandonne ensuite la fac pour se consacrer dès 1973 à l’action de terrain. А la demande du PCR, il met en place des sections de jeunes communistes notamment au Chaudron. Il se rend à Paris ou il travaille pendant cinq ans comme journaliste à l’Humanité. Dans ce cadre, il réalise des reportages au Sahara occidental et dans les pays d’Amérique du sud. De retour à La Réunion au début des années 80, il intègre le journal Témoignages fondé par son grand-père, Raymond Vergès. Très vite il dirige la rédaction. Ses compétences sont au service de La Réunion et de Témoignages, parce qu’il vouait une admiration sincère à son grand-père, mais aussi parce qu’il voyait dans le journalisme une façon de maintenir un lien quotidien avec ceux qui luttent pour le développement et l’émancipation de leur pays.

Il est candidat aux élections municipales de mars 1983 à Saint-André. Il est battu par Jean-Paul Virapoullé, président de l’UDF, qui gagne la mairie avec 47 voix d’avance. Le scrutin est annulé pour fraude électorale et il est ensuite à nouveau battu à l’élection partielle, en mars 1984, par le même Jean-Paul Virapoullé. En 1983 Laurent Vergès est élu au Conseil régional de La Réunion lors de la première élection au suffrage universel de cette institution. Le 14 octobre 1987, suppléant de Paul Vergès а l’Assemblée nationale, il devient député lorsque ce dernier démissionne de son mandat de parlementaire pour protester contre le non-alignement du montant des prestations sociales versées à La Réunion sur celles de France. Le 5 juin 1988, à 32 ans, il est facilement réélu député de La Réunion de la 2e circonscription (la Possession, le Port, Trois Bassins, Saint-Paul). Il est alors le plus jeune député de France. Journaliste à la plume alerte et incisive, homme politique charismatique, dirigeant fédérateur, soucieux du développement de son île et du mieux être de sa population, Laurent Vergès était en pleine ascension lorsque se produisit son accident de la route.

Il y aurait beaucoup de choses à dire à ce sujet. Mais une des leçons les plus importantes à retenir de la vie de Laurent Vergès a été son dévouement aux autres, aux personnes opprimées et méprisées à La Réunion mais aussi dans le monde entier. C’est pourquoi, depuis son adolescence, il a participé à des actions pour valoriser les richesses de notre identité culturelle (la langue créole, le maloya, etc.), pour faire connaître notre Histoire depuis l’esclavage, l’engagisme et la colonisation, puis pour soutenir les luttes des travailleurs, des planteurs, des chômeurs et des mal-logés. Pour toutes ces raisons, de nombreux Réunionnais étaient fiers de porter ces banderoles et pancartes dans les rues de l’île après son décès : « Laurent, ta jeunesse rebelle vit en nous ». Et comme le dit l’artiste Jack Beng-Thi sur une belle affiche réalisée à l’occasion du 20e anniversaire de la mort de cet élu du PCR, « sa zinn kèr Loran la ». Au moment où la jeunesse réunionnaise se prépare à prendre en mains le destin de son pays, nous n’oublions pas les valeurs portées par ce militant communiste et ses comportements exemplaires.

« Nou lé pa plis, nou lé pa mwin, respect anou »

Nou artrouv’

David Gauvin

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