Le machin de Margie

16 avril 2011, par Geoffroy Géraud-Legros

« Machin ». Le sobriquet dont le Général de Gaulle affublait l’ONU en 1960 demeure en usage pour désigner les institutions inutiles dont l’action négligeable contraste avec l’appellation ronflante dont elles sont affublées. Le terme était sans doute quelque peu injuste à l’égard des Nations Unies naissantes qui surent, au cours des années qui suivirent, faire écho aux revendications du Sud avec, par exemple, l’adoption du Nouvel ordre économique international (NOEI) en 1974. Une période qui paraît bien lointaine en ces temps où l’on voit les Nations Unies empressées de valider par des mandats l’ingérence des grandes puissances dans les affaires internes de nations indépendantes telles que la Libye ou la Côte-d’Ivoire. Le contraste entre cet activisme et la bienveillante passivité de l’ONU envers les États du Nord sur des questions telles que la Palestine, l’Irak, ou, plus près de nous, l’île de Mayotte ou l’archipel des Chagos, laisse craindre que les Nations Unies ne finissent en simple « machin » au service des politiques occidentales.

Dans un tout autre registre, l’actualité réunionnaise nous a rappelé cette semaine à l’existence d’un autre « machin », nommé — excusez du peu — « Haut conseil de la commande publique ». Créé le 15 septembre 2010 sous la présidence de Margie Sudre, avec le parrainage du préfet Michel Lalande et de Didier Robert, le HCCP a selon ce dernier pour mission « d’accroître l’efficacité et la cohérence de nos dépenses d’investissement publiques [sic] respectives » entre les différentes collectivités.

Une initiative que nombre d’observateurs — “Témoignages” inclus — avaient alors trouvée assez surprenante venant d’un président de Région qui, dès son entrée en fonctions, avait purement et simplement mis fin à la politique de grands travaux sans doute la plus ambitieuse de l’Histoire réunionnaise. La présence de l’État, dont la volonté de récupérer les fonds obtenus pour ces grands chantiers était plus qu’évidente, interrogeait tout autant. D’autre part, une rumeur persistante attribuait la création du « Haut conseil » à la volonté de « caser » Margie Sudre, figure de l’UMP quelque peu dévaluée par l’ascension de Didier Robert. Une nomination qui, espérait-on peut-être, amènerait cette dernière à tempérer les critiques dont elle n’était guère économe envers ce dernier.

Bref : on se demandait bien à quoi allait servir cette structure, et on se laissait facilement aller à prédire qu’elle se résumerait à un « machin » sans utilité pour le BTP, formé aux frais du contribuable trouver « in ti plas » à une dignitaire UMP sur le retour. Une intuition confirmée lors de la dernière réunion de l’institution, dont les acteurs du bâtiment sont sortis bredouilles et, à en croire certain compte-rendu, passablement mis en colère par les propos de Mme Sudre, jugés ineptes et arrogants par plusieurs représentants syndicaux. Il faut dire que Margie Sudre se livre là à un exercice impossible. Comment, en effet, dire avec élégance aux représentants des travailleurs et aux entrepreneurs du bâtiment que l’emploi repart dans un secteur qui a perdu près de 10.000 emplois en un peu plus d’une année à peine ? Comment annoncer un renouveau de la commande publique, alors que l’État ferme les vannes, qu’aucun chantier ne vient remplacer les grands ouvrages annulés par l’UMP, et que la production de logements sociaux et même la construction des lycées sont désormais en panne ?

G.G.-L.

Didier Robert

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