Le mouvement Woke : illusion permettant de faire perdurer le système actuel

22 novembre 2021, par David Gauvin

Le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a lancé le mercredi 13 octobre, un observatoire républicain chargé de lutter contre « le wokisme » et la « cancel culture ». Mais qu’est-ce que la culture “woke” ? Ce mouvement provient des campus américains et reflète un état d’esprit militant pour la protection des minorités. Cet état d’esprit s’est répandu en Europe et a pour but de lutter contre les injustices et les inégalités.

Marcia Fudge, Public domain, via Wikimedia Commons/

Défenseurs d’une justice sociale fondée sur les critères de race et de genre, les tenants de la culture woke s’inscrivent dans la lignée mouvements d’émancipation nés aux États-Unis dans les années 60. Pour l’essayiste britannique Douglas Murray, en adoptant une posture combative qui entrave la liberté d’expression de leurs adversaires, ils en ont au contraire perverti l’esprit. Alerte ! Une idéologie qui est parvenue à se faire passer pour un savoir a débordé du cadre des universités américaines. Elle a envahi les médias, les administrations, les grandes entreprises. Et elle commence à s’infiltrer aussi chez nous. Dans son essai La grande déraison, Douglas Murray met en garde contre ce qu’on appelle désormais les “woke”, terme que l’on pourrait traduire par “conscientisés” ; ou encore les « social justice warriors », les combattants de la justice sociale, comme les surnomment leurs adversaires.

Le terme woke (“éveillé”) a pris de l’ampleur aux États-Unis dans les années 2010. Le “wokisme” est par extension un état d’éveil face à l’injustice. Le concept s’est répandu lors du mouvement Black Lives Matter (apparu en 2013) pour dénoncer les actes de ségrégation raciale et de discrimination à l’égard des Noirs américains. Pour Mireille-Tsheusi Robert, présidente de l’association féministe antiraciste « Bamko-CRAN », le terme woke date de plusieurs siècles : « Cela remonte à plus de deux siècles sous Abraham Lincoln, c’était un mouvement créé par les antiesclavagistes qui se revendiquaient déjà éveillés. Cela fait partie de l’histoire du militantisme, c’est à prendre au sérieux ». Woke s’est, par la suite, popularisé sur les réseaux sociaux et étendu à d’autres causes. De nos jours, une personne woke se dit consciente de toutes les injustices et de toutes les inégalités : racisme, sexisme, environnement… Ce terme est associé à une politique de gauche dite “progressiste” pour certains et désigne non seulement les militants antiracistes, féministes ou encore LGBTQI +, mais aussi, et de manière générale, les réflexions liées aux problématiques socioculturelles.

Selon Douglas Murray, les trois sources philosophiques auxquelles s’abreuve ce courant seraient Michel Foucault – réduit à une obsession du pouvoir et à l’idée que tout savoir reflète un rapport de pouvoir, Antonio Gramsci – dont on ne retient, là encore, qu’une seule idée, celle de la culture comme facteur d’hégémonie politique, et Jacques Derrida – sous l’angle de la “déconstruction” de la pensée occidentale. Vous ajoutez par là-dessus le populisme de gauche, dans la version Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, selon lequel il faudrait, pour renverser le capitalisme, remplacer la classe ouvrière par une coalition de “dominés” et de “minorités”, et vous obtenez l’idéologie de nos social justice warriors. Étonnez-vous si, dans ces conditions, les universités anglo-saxonnes se sont éloignées, ces dernières années, de leur vocation de recherche et de transmission d’un savoir objectif, organisé dans le cadre de disciplines possédant leurs propres méthodes, telles que la sociologie, l’histoire, la linguistique ou l’économie. De nouvelles « études culturelles », spécialisées dans la célébration des identités – féminines, noires, homosexuelles, handicapées, etc. les ont remplacées. Un verbiage pseudo-savant, incompréhensible au non-initié vient compléter le tout : « sujet décentré, violence épistémologique, construction sociale, intersectionnalité… ». Et nos révolutionnaires d’université entretiennent l’illusion d’une authentique lutte politique dans les chaudes serres de leurs campus hyper-privilégiés.

Avec les réseaux sociaux, la vieille distinction entre la vie privée et la vie publique a sauté. Toute opinion émise, y compris sur le ton de la plaisanterie, est immédiatement brandie comme une preuve de « mauvaise pensée » par les vigilants censeurs de la pensée correcte. Des « patrouilleurs du langage », comme les surnomme Douglas Murray, sont à l’affût. Ils veillent sur le respect de lignes qui, franchies, débouchent sur des « champs de mine idéologiques ». D’autant que nos guerriers woke sont rarement aptes à la compréhension du second degré. Imprégnés du sérieux glacial que leur inspire leur conviction d’incarner le Bien en mission sur terre (self righteous), l’humour à la Charlie Hebdo leur est hermétique. A leurs yeux, la dérision est un reliquat de la culture baby boomer. Et le rire n’est plus une libération, mais une offense potentielle. Ils se sont donnés pour mission de « formater l’opinion mondiale » selon le nouveau canon, la nouvelle doxa.

Le mouvement des droits civiques de Martin Luther King exigeait l’égalité des droits, non des droits particuliers. Lui-même n’a jamais proclamé une identité noire distincte. Son antiracisme était un universalisme, pas un particularisme. Il réclamait qu’on juge les êtres humains indépendamment de leur couleur de peau. Au contraire, les woke, sont « obsédés par les questions de race », écrit Douglas Murray. Se proclamer indifférents aux couleurs de peau, « colour-blind », comme on disait avant-hier, était le signe distinctif de l’antiracisme. C’est désormais considéré comme une preuve de racisme inavoué, un mécanisme de déni, selon la sociologue Robin Di Angelo, une incapacité à distinguer l’expérience vécue de la discrimination.

En 2011, Terra Nova, un laboratoire d’idées proche du PS, fait paraître une note qui préconise de dire « adieu » aux ouvriers et employés afin de se tourner vers une nouvelle majorité électorale urbaine dans le but de conquérir le pouvoir. Pour que la gauche l’emporte en 2012, ses signataires préconisent de se tourner vers un nouvel électorat urbain comprenant « les diplômés », « les jeunes », « les minorités des quartiers populaires » et « les femmes » : tous unifiés par « des valeurs culturelles, progressistes ». Le directeur de Terra Nova s’appelait Richard Ferrand, devenu le Président de l’Assemblée Nationale et le cerveau du marcronisme… CQFD

« Nous sommes bien plus puissants lorsque nous nous tournons les uns vers les autres et non contre les autres, lorsque nous célébrons notre diversité… et ensemble abattons les murs imposants de l’injustice. » Cynthia McKinney

Nou artrouv’

David Gauvin

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