Le néocolonialisme et la menace du bon exemple

2 novembre 2021, par David Gauvin

Suite au colloque ayant eu lieu samedi, aucun pays n’est à l’abri d’une intervention des ex Etats colonisateurs, même le plus insignifiant. En fait, ce sont souvent les pays les plus faibles, les plus pauvres, qui provoquent la plus grande hystérie tel Madagascar oui les Comores.

Le néocolonialisme décrit une politique impérialiste menée par une ancienne puissance coloniale vis-à-vis de son ancienne colonie, utilisant diverses méthodes d’influence et de domination, à son propre intérêt ainsi que celui de ses entreprises. Le terme, qui trouve son origine chez Jean-Paul Sartre en 1956, fut repris pour la première fois dans un discours par Kwame Nkrumah, en 1965. Ce terme prolonge ainsi la notion de colonie entre les xvie et xixe siècles, pour décrire les relations de domination post-coloniales.Le néocolonialisme se décline en plusieurs approches. En lieu et place d’un contrôle militaire officiel, les puissances néocolonialistes utilisent des prétextes humanitaires et démocratiques pour justifier la présence militaire. Les révoltes sont écrasées par des méthodes de contre-insurrection. L’usage de la propagande de guerre permet d’obtenir le consentement des populations occidentales, et de fait, les médias liés aux intérêts des grandes entreprises exploitantes et de vente d’armes taisent en grande partie les événements où la responsabilité des grandes puissances est directement concernée. D’autre part, des accords commerciaux avec les dirigeants faisant usage de la corruption, des méthodes financières pour générer ou entretenir une dette odieuse que dénonce le CADTM (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes), et de façon relativement officielle des politiques économiques et culturelles afin de dominer des pays moins puissants. Selon certains, la simple domination économique revient à contrôler de facto les nations visées.

Depuis la Révolution bolchevique de 1917 jusqu’à la chute des gouvernements communistes en Europe de l’Est à la fin des années 80, chaque agression US était justifiée comme une défense contre la menace soviétique. Ainsi lorsque les Etats-Unis ont envahi la Grenade en 1983, le chef d’Etat Major a expliqué que, dans l’éventualité d’une attaque soviétique contre l’Europe occidentale, un régime hostile à la Grenade pouvait couper les approvisionnements de pétrole des Caraïbes à l’Europe de l’Ouest et que les Etats-Unis seraient dans l’impossibilité de porter secours à leurs malheureux alliés. Prenez le cas du Laos dans les années 60, peut-être le pays le plus pauvre du monde. La plupart de ceux qui y vivaient ne savaient même pas qu’ils vivaient dans un pays appelé le Laos ; tout ce qu’ils savaient était qu’ils vivaient dans un village qui était situé non loin d’un autre petit village, etc. Mais dès qu’une révolution sociale très limitée a commencé à se développer là -bas, Washington a soumis le Laos à un « bombardement secret » meurtrier, détruisant de larges portions de zones habitées et qui, de leur propre aveu, n’avait rien à voir avec la guerre que les Etats-Unis menaient contre le Vietnam du Sud. L’agression contre le Nicaragua était justifiée par le fait que si nous ne « les » arrêtions pas là -bas, « ils » traverseraient notre frontière à Harlington, Texas - à peine deux heures de route. (pour les publics plus éduqués, il y avait des arguments plus sophistiqués, mais tout aussi plausibles). En ce qui concerne l’économie américaine, le Nicaragua pourrait disparaître et personne ne s’en rendrait compte. Même chose pour le Salvador. Pourtant ces deux pays ont été soumis à des attaques meurtrières de la part des Etats-Unis qui ont coûté des centaines de milliers de vies et des milliards de dollars de dégâts.

L’expression « Françafrique » est utilisée, pour désigner la relation spéciale, qualifiée de néo-coloniale par ses détracteurs, établie entre la France et ses anciennes colonies en Afrique subsaharienne. Elle se caractérise par le rôle des réseaux extra-diplomatiques (services de renseignement, entreprises, barbouzes, militaires etc.), l’ingérence directe des autorités françaises dans les affaires intérieures des anciennes colonies, et la complicité régulière des élites africaines locales. Le terme « Françafrique », consacré par son utilisation régulière par les grands médias (notamment Le Monde, Libération ou L’Express), est utilisé de manière plus large pour dénoncer la politique étrangère de la France en Afrique, que le pays visé ait été une colonie ou pas (ainsi du Burundi, du Rwanda et de la République démocratique du Congo). Le terme peut viser ses interventions militaires dans les pays en crise (Côte d’Ivoire, Mali, Centrafrique), son rôle prépondérant dans certains épisodes dramatiques de l’histoire africaine (soutien apporté aux Hutu responsables du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994) ou encore des scandales financiers (affaire Elf). L’expression « France-Afrique » semble avoir été inventé en 1955 par le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, pour définir le souhait d’un certain nombre de dirigeants africains de conserver des relations privilégiées avec la France après l’accession de leur pays, anciennes colonies françaises, à l’indépendance. On n’oubliera pas dans ce panorama, la politique étrangère portugaise et belge suite aux indépendances. D’ailleurs les grandes victimes ont été Sankara au Burkina Faso et Amilcar Cabral pour la Guinée Bissau et le Cap Vert.

Plus le pays est faible, plus son exemple est dangereux. Si un pays minuscule comme la Grenade pouvait améliorer les conditions de vie de sa population, d’autres pays, avec plus de ressources, pourraient se demander « pourquoi pas nous ? »Lorsqu’on veut instaurer un système global qui soit soumis aux besoins des investisseurs néocoloniaux, il faut s’assurer que tous les morceaux restent en place. Il est étonnant de constater à quel point cette idée est ouvertement formulée dans les documents officiels. Les stratèges américains, depuis le secrétaire d’Etat Dean Acheson à la fin des années 40 jusqu’à nos jours, ont toujours averti qu’ « une pomme pourrie gâte le baril » [traduction littérale du proverbe - NDT]. Le danger était la pourriture - le développement social et économique - qui pouvait se transmettre. Cette « théorie de la pomme pourrie » est présentée en public sous le nom de la théorie des dominos. Elle est destinée à faire peur à l’opinion publique et lui expliquer comment Ho Chi Minh pourrait monter dans canoë et pagayer jusqu’en Californie, ce genre de choses. Il se peut que quelques responsables américains croient à ces bêtises, c’est possible, mais pas les stratèges. Ces derniers comprennent parfaitement que la véritable menace est celle d’un « bon exemple ». Et il leur arrive parfois de l’énoncer clairement. En d’autres termes, les Pays colonisateurs veulent la « stabilité », c’est-à -dire la sécurité pour « les classes aisées et les grandes entreprises étrangères ». Si cet objectif peut être atteint par des mécanismes démocratiques, tout va bien. Sinon, la « menace contre la stabilité » que représente un bon exemple doit être détruite avant que le virus ne se répande. C’est pourquoi même le plus petit des pays peut représenter une menace et doit être écrasé.

"Toute l’histoire du contrôle sur le peuple se résume à cela : isoler les gens les uns des autres, parce que si on peut les maintenir isolés assez longtemps, on peut leur faire croire n’importe quoi." Noam Chomsky

Nou artrouv’

David GAUVIN

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