Le patronat institutionnel porte une lourde responsabilité dans la crise que nous venons de vivre. Est-il prêt au changement politique et comportemental imposé par la crise ?

24 mai 2013, par J.B.

On pensait bien qu’on allait parler de la facture des pertes subies par l’ensemble des acteurs de l’économie, suite à l’entêtement des patrons de la SERMAT. Le "JIR" a tenté une évaluation à la louche : « des dizaines de millions ». Nous aurions tort de croire que les patrons ainsi que leurs dirigeants, tout en alignant des chiffres, ont pris la mesure de leur responsabilité collective dans la crise que nous venons de connaître.

D’abord, pourquoi et comment, un patronat si bien organisé n’a-t-il pas usé de ses prérogatives pour faire entendre raison à l’un des siens et a laissé pourrir la situation ? Dire qu’il n’a pas agi n’est pas très juste. En effet, une manifestation a bien été organisée au Barachois. Celle-ci a été très médiatisée, comme d’habitude. Ce n’est pas souvent que les Réunionnais voyaient côte à côte le Président de la CCIR, le Président du MEDEF et de la CGPME. L’opération était plus destinée à encourager leurs collègues de la SERMAT à durcir le ton au lieu de les ramener à la raison.

Coïncidence ou pas, aussitôt, M. Brac de la Perrière en a profité pour rompre la discussion engagée sur la base des propositions du directeur du Travail, et il a claqué la porte de la rencontre. Il s’est senti tellement soutenu par l’initiative patronale qu’il s’est permis, non seulement de jeter à la poubelle le document de négociation, mais d’annoncer à la place une réunion du CE après le long week-end de Pentecôte pour engager les procédures de licenciements des 19 travailleurs. Le laisser-faire aurait été suicidaire pour la cohésion de la société réunionnaise.

À ce moment de l’histoire de cette longue et pénible grève, le patronat institutionnel porte une lourde responsabilité dans la dégradation de la situation. L’escalade était à son comble, et la provocation était visiblement de trop. À un moment, le Président de la CCIR a voulu se dédouaner en signant un communiqué par lequel il « en appelle au sens des responsabilités de tous et demande avec insistance un retour au dialogue des deux parties... » . C’était une erreur manifeste d’appréciation, car en renvoyant les 2 parties dos à dos, il affaiblit son action, fait l’amalgame et fuit ses responsabilités.

En effet, les travailleurs et le directeur du Travail n’avaient jamais quitté la table des négociations et n’avaient jamais rompu le dialogue. Non seulement le président de la CCIR a refusé de pointer la SERMAT, mais déclare qu’il faut mettre en œuvre « la libre circulation des marchandises » . C’est un discours mille fois entendu pour dénoncer l’action des grévistes. Il est surprenant qu’à aucun moment, les dirigeants patronaux et leur institution n’aient pris la mesure de leur responsabilité et se soient montrés à la hauteur de la situation. Aujourd’hui encore, certains continuent à se défausser sur le Préfet et les travailleurs.

Le patronat devrait plutôt s’interroger sur ses capacités à structurer le dialogue, pour que plus jamais on n’en arrive à cette catastrophe. Chercher des poux dans la tête du Préfet ou des travailleurs, en épiloguant sur « la circulation des biens et des personnes » , c’est oublier que nous sommes en pleine crise et que tous les acteurs — économiques et politiques — doivent se serrer les coudes pour traverser la tempête. Il faut anticiper sur le long terme. Tous ensemble. Le patronat est-il prêt ?

J.B.

Lutte des dockers

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