Les abus de l’état d’urgence

10 février 2016, par J.B.

Hier, le Sénat a adopté une loi prolongeant une seconde fois l’état d’urgence. Un seul parlementaire réunionnais a voté contre, c’est Paul Vergès. Le texte doit maintenant être débattu à l’Assemblée nationale. Rappelons que lors du débat sur la première prolongation de l’état d’urgence, ce sont les députés qui avaient examiné le texte en premier. Tous les députés de La Réunion avait alors voté pour, ce qui n’avait pas été le cas de Paul Vergès quelques jours plus tard au Sénat.

L’état d’urgence renforce en effet considérablement les pouvoirs de l’administration. Des perquisitions peuvent avoir lieu à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, sans autorisation d’un juge. 8 ont eu lieu à La Réunion sans déboucher sur une procédure de nature avec le terrorisme. En France, c’est encore plus grave.

Human Rights Watch est une organisation de défense et de promotion des droits humains bien connue. Le 3 février dernier, elle a publié une déclaration dans laquelle elle dénonce les abus de l’état d’urgence en France [1]. « Les perquisitions administratives et les assignations à résidence sans autorisation judiciaire doivent cesser », affirme-t-elle. Son appel est relayé par Edward Snowden en personne. Il a marqué son opposition à l’adoption de la loi constitutionnelle sur l’état d’urgence en publiant un lien vers cet article avec le commentaire suivant : « la France qui nous a donné la Statue de la Liberté vient de voter la fin de la sienne ».

« La France a la responsabilité de garantir la sécurité publique et d’essayer d’empêcher de nouvelles attaques, mais la police a usé de ses nouveaux pouvoirs liés à l’état d’urgence de façon abusive, discriminatoire et injustifiée », a déclaré Izza Leghtas, chercheuse sur l’Europe de l’Ouest à Human Rights Watch. « Ces abus ont traumatisé des familles et entaché des réputations, donnant l’impression aux personnes ciblées d’être des citoyens de seconde zone. »

Human Rights Watch note que « Jacques Toubon, le Défenseur des droits en France, a reçu environ 40 plaintes faisant état d’abus liés aux mesures d’urgence, et notamment de perquisitions injustifiées, du manque de preuves et de descentes effectuées à des adresses erronées ». L’ONG rappelle que le 19 janvier, cinq rapporteurs des Nations-Unies ont soulignés sur l’état d’urgence en France que « si des mesures exceptionnelles peuvent être nécessaires dans des circonstances exceptionnelles, cela ne dispense pas les autorités de faire en sorte que ces mesures soient appliquées exclusivement aux fins pour lesquelles elles ont été prescrites et soient directement liées à l’objectif spécifique qui les a inspirées. »

« Dans un contexte d’islamophobie croissante, le gouvernement français devrait de toute urgence tendre la main aux musulmans et leur assurer qu’ils ne font pas l’objet de soupçons en raison de leur religion ou de leur appartenance ethnique », a conclu Izza Leghtas. « La liberté, l’égalité et la fraternité ont été gravement détériorées dans les semaines qui ont suivi les attentats de novembre. La France devrait être guidée par cette devise et en restaurer le sens. »

Les députés de La Réunion ne peuvent ignorer ces faits. Suivront-ils l’exemple de Paul Vergès ?

J.B.

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