Les APE : une arme pour détruire les producteurs traditionnels

15 juin 2016, par J.B.

Jean-Michel Lastennet, porte-parole du Collectif 29 pour la souveraineté alimentaire dans les pays du sud et en Europe. Ce collectif regroupe douze organisations paysannes, ONG et associations de consommateurs. Il s’intéresse en particulier aux conséquences des accords de partenariat économique pour les pays africains qui renforceront leurs liens commerciaux avec l’Europe. Voici ce qu’il écrit dans une tribune parue dans le journal Ouest France du 13 juin dernier :

« Les pays africains ne pourront plus taxer la plupart des produits européens qu’ils importent, se privant ainsi de recettes budgétaires considérables, alors que leur développement requiert un renforcement des capacités d’intervention publique. Et ce que l’UE leur promet de verser en contrepartie est un mirage. Pour les seize pays d’Afrique, l’APE se traduira donc par une ouverture de leurs frontières sans nouvelles contreparties. Les risques majeurs sont le saut vers le libre-échange, sans y être vraiment préparés, et l’abandon de leur souveraineté alimentaire.

Les paysans d’Afrique de l’Ouest, qui font face aux aléas climatiques connus, représentent les deux tiers de la population. Si, aujourd’hui, ils s’organisent, se forment, mettent au point des variétés plus adaptées aux changements climatiques, ils ne sont pas encore prêts à affronter, dans un contexte de libre-échange, la concurrence des paysans européens dont la productivité est jusqu’à 1 000 fois supérieure à la leur et qui bénéficient des primes de la Pac.

Et de citer Ibrahima Coulibaly, vice-président du Roppa, un réseau de producteurs africains et d’organisations paysannes, « l’APE ne va pas créer de la croissance, mais détruire l’économie rurale et l’emploi paysan, provoquant une migration massive des campagnes vers les villes… et vers l’Europe. Ces accords confinent le rôle de l’Afrique de l’Ouest dans la fourniture de matières premières aux industries européennes, tout en offrant le marché de la région aux produits européens subventionnés… Ils vont y installer la précarité et l’instabilité ». »

Dans cette application de la mondialisation libérale, les plus vulnérables risquent d’être impitoyablement éliminés. Ils seront encore plus pauvres. À La Réunion, tous les producteurs devront faire face à ce brusque changement, car ils seront directement en concurrence avec des voisins qui ont des coûts de production nettement inférieurs. Le danger ne viendra pas de paysans qui luttent pour survivre, mais de grosses sociétés qui implanteront leurs chaînes de production dans des pays où les salaires sont beaucoup plus faibles qu’à La Réunion. Comment faire pour résister si ces APE sont signés ?

J.B.

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