Les mauvais comptes de la réforme de l’aide sociale à l’enfance

16 juillet 2021, par David Gauvin

Un projet de loi, examiné à l’Assemblée nationale depuis le 29 juin 2021, réforme l’aide sociale à l’enfance (Ase). Un texte timide face à une politique pourtant au bord du gouffre.

Ils sont environ 330 000. Des enfants ou adolescents suivis par la protection de l’enfance, depuis la simple mesure éducative jusqu’au placement en raison de violences, de carences ou de l’absence de leurs parents. Une politique percutée par la pandémie, mais qui est depuis plusieurs années déjà au bord du gouffre. Les chiffres sont sans appel : 40 % des sans domicile fixe de moins de 25 ans sortent de l’Aide sociale à l’enfance (Ase) et 70 % des jeunes issus de l’Ase n’ont aucun diplôme, contre 12 % dans la population générale. « Sans compter la faillite de la prévention : selon l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), 63 % des enfants tués dans leur famille étaient suivis par un médecin traitant, et la moitié par les services sociaux ! », alerte Michèle Créoff, ancienne inspectrice de l’Ase en Seine-Saint-Denis pendant dix ans, et auteure des Indésirables (Michalon, 2021).

Chaque majorité politique tente, tour à tour, de s’emparer de ce sujet à forte valeur symbolique, à la croisée de plusieurs missions de l’État – éducation, santé et justice – et des compétences des départements. Le texte, qui doit être débattu cet été au Parlement, se contente pourtant de corriger certains dysfonctionnements, soulignant ainsi, en creux, l’absence de consensus sur l’enfance maltraitée.Une exigence a minima qu’illustre, par exemple, la mesure phare du texte rappelant l’interdiction des placements à l’hôtel, régulièrement contournée par les services sociaux faute de places en foyers et en familles d’accueil. Pour autant, elle ne s’accompagne d’aucuns crédits supplémentaires pour créer les places manquantes.Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment peut-on en rester là ? Premier responsable : l’éparpillement des acteurs. « Nous avons du mal à réglementer ce secteur car chacun des intervenants revendique sa liberté de faire comme il l’entend, explique Michèle Créoff, ancienne vice-présidente du Conseil national de la protection de l’enfance. Les associations qui gèrent les foyers veulent rester libres d’appliquer leur projet éducatif. Les départements font valoir le principe de la libre administration. Les juges eux-mêmes revendiquent l’indépendance de la justice. Toutes ces libertés cumulées ont abouti à ce que l’État soit tenu à l’écart. »

Mais le fond du problème serait ailleurs, poursuit cette spécialiste : « Quelque part, ces enfants sont “indésirables”. Ils sont le fruit de l’inceste, de parents malades, de toutes sortes de difficultés. La protection de l’enfance dérange les représentations et, de ce fait, ils sont évacués de la réflexion politique. »P aradoxalement, cette cécité serait d’autant plus grande en ces temps où l’enfant est choyé par la société. « À une époque où réussir l’éducation des enfants est devenu la réalisation personnelle ultime, il est très difficile de concevoir que certains parents ne peuvent pas, ne savent pas ou ne souhaitent pas s’occuper des leurs », analyse Marc Chabant, directeur du développement de la fondation Action enfance, qui accueille des fratries de 3 à 18 ans.
Pourtant, cette réalité que l’on rechigne à voir existe bel et bien. « Pendant leurs droits de visite, certains parents disent de façon très claire à leurs enfants : ”Je vous aime bien, vous pouvez me téléphoner, mais j’ai refait ma vie et je ne veux plus vous reprendre” », témoigne Marc Chabant.

D’ailleurs, il n’est qu’avoir le sort fait aux familles d’accueil. Ces femmes et ces hommes s’occupent de la moitié des enfants placés, mais, faute de reconnaissance, ils sont de moins en moins nombreux. Le projet de loi voté la semaine dernière ne s’attaque pas vraiment au problème. « Les familles d’accueil trouvent qu’elles font un beau métier. Mais vu la difficulté, je comprends que les candidats ne se bousculent pas. » Ce constat du sociologue David Grand, auteur d’une étude sur les assistants familiaux pour l’Observatoire national de la protection de l’enfance (Onpe), est largement étayé par les chiffres. Le nombre de familles d’accueil de la protection de l’enfance est passé de 50 000 en 2012 à 38 300 en 2015, selon les dernières données disponibles. Et les trois quarts des assistants familiaux ont entre 55 et 65 ans, ce qui traduit l’absence de renouvellement. « Il y a un problème sévère de recrutement et de pyramide des âges », résume Marc Chabant, directeur du développement de la Fondation Action Enfance. Le rôle de ces familles est pourtant essentiel. Celles-ci accueillent et élèvent plus de la moitié des 170 000 enfants placés. Mais ce qu’elles offrent à ces enfants qui ont subi maltraitance et négligence, c’est bien plus que du chiffre. « L’accueil familial est le plus protecteur du droit de l’enfant, car il offre une stabilité affective », rappelle Lyes Louffok, lui-même ex-enfant placé et militant de la cause. Concernant l’aide social à l’enfance, les Réunionnais ont le devoir de mettre en oeuvre l’expérimentation. La question de moyen qui est toujours mis en avant, n’est qu’un leurre qui masque l’absence de volonté politique. Et après on pleurera toujours des chaudes larmes de crocodiles quand il arrive quelques choses à ces enfants qui n’ont pas été gâté par la vie, et qui sont abandonné par la société.

« Un homme n’est jamais si grand, que lorsqu’il est à genoux pour aider un enfant » Pythagore

Nou artouv’

David Gauvin

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