Les papous sacrifiés sur l’autel de l’or roi

26 mars 2021, par David Gauvin

La Nouvelle-Guinée occidentale abrite de colossaux gisements d’or et de cuivre. Leur exploitation fait d’elle l’un des « trous noirs de la planète dans le domaine environnemental ainsi qu’en matière de droits humains ». C’est un symbole fort du commerce tripartite, pendant économique de la colonisation.

La Nouvelle-Guinée est riche. Immensément riche. Cette île de 800.000 km2, la plus grande après celle du Groenland, partage avec l’Amazonie les deux plus remarquables sylves tropicales de la planète. Ces terres ont en commun d’être sauvagement mises à sac ; débitées, déboisées, exploitées à la mesure de leurs ressources et du dénuement des populations autochtones qui en sont spoliées quand elles ne sont pas détruites dans leur identité culturelle (ethnocide) ou leur intégrité physique (génocide). Là où la Nouvelle-Guinée se distingue — plus précisément la partie occidentale de cette île que l’histoire coloniale divisa en deux, c’est qu’elle possède en sus de toutes ces ressources (grumes, pétrole, gaz, argent, cuivre…) qui entretiennent notre boulimie consommatrice, de l’or. De l’or en quantité si vertigineuse que son exploitation fait de la Nouvelle-Guinée occidentale (NGO) l’un des trous noirs de la planète dans le domaine environnemental ainsi qu’en matière de droits humains.

Si la mine a mauvaise presse, la presse a surtout mauvaise mine dès qu’elle évoque le gisement aurifère. Chacun sait que l’inaltérable métal est au cœur des principales corruptions qui rongent la NGO depuis que les Pays-Bas, sous pression américaine, ont transféré à l’Indonésie le dernier atour colonial de leur défunt empire des Indes néerlandaises. En contrepartie, Djakarta devait s’engager à garantir à la population papoue la mise en place d’un référendum d’autodétermination dans les six années suivant le transfert — ce dernier s’est tenu en avril 1969. Six années de terreur (30.000 victimes) au terme desquelles 1.022 Papous (sur 800.000 environ) choisis par Djakarta furent obligés de voter leur rattachement à l’archipel indonésien. Une mascarade référendaire actée par les Nations Unies sous tutelle américaine. En période de guerre froide, gouvernée par la realpolitik, il était inconcevable que l’Indonésie puisse rejoindre le camp soviétique.

Mais une autre force aimantée par un affairisme sans scrupules œuvrait en sous-main. La puissante compagnie minière américaine Freeport-McMoRan Inc (FCX) a toujours disposé d’influents conseillers comme Allen Dolles, ancien éminent juriste de l’empire pétrolier de Rockefeller puis directeur de la CIA dans les années 1960 (c’est lui qui informa Freeport du gisement de NGO) ou Henri Kissinger, conseiller à la Défense nationale sous Nixon (1969), secrétaire d’État des États-Unis (1973-1976) avant d’entrer au conseil d’administration du géant minier. Échafaudé avec l’appui de la CIA, c’est d’ailleurs grâce au coup d’État de 1965 que le général Suharto a chassé Sukarno, président fondateur de la république indonésienne — ces purges anticommunistes ont causé entre 500.000 et trois millions de morts — pour signer dès 1967 avec Freeport le contrat permettant d’exploiter le gisement d’Ertsberg. Nul doute que les colossaux investissements que la compagnie s’apprêtait à faire nécessitaient quelques aménagements qu’assura pleinement Henri Kissinger dépêché à Djakarta quelques mois avant le référendum d’autodétermination. Celui-ci scelle depuis le destin de la NGO et condamne son peuple à un génocide au ralenti.

La colonisation a contraint les hommes et leur terre. Elle est basée sur l’exploitation des ressources pour le bien exclusif de la métropole. C’est ce qu’on appelle le commerce tripartite. Aujourd’hui, ce n’est plus les Etats mais les multinationales qui en tirent profit. Pendant que les papou vivent un génocide humain, culturel et environnemental ; les actionnaires de compagnie minières croulent sous les dividendes. Pour finir, seul l’émancipation des peuples opprimés permettra de préserver la planète. Si les mines étaient dans les mains du peuple Papou, il n’y aurait jamais eu de crime environnemental.

C’est quand les fumiers sont au pouvoir que sur la terre des hommes poussent les fleurs de la honte. Jean-marie Albert

Nou artrouv’

David Gauvin

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