Les pesticides coutent deux fois plus cher qu’ils ne rapportent

18 janvier 2022, par David Gauvin

Tandis que les bénéfices du secteur des pesticides se concentrent entre les mains de quatre multinationales (Bayer, BASF, Corteva et Syngenta-ChemChina), les citoyens s’acquittent chaque année d’une facture considérable pour payer les coûts associés à leur usage.

Photo Aqua Mechanical, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/license...> , via Wikimedia Commons

La deuxième moitié du XXe siècle a signé un tournant pour nos agricultures. L’introduction des machines motorisées s’est accompagné de l’utilisation d’engrais de synthèse, de semences hybrides et de pesticides. Ces quatre éléments interdépendants ont un impact direct sur nos modes de production, l’environnement et la santé. C’est ce que dévoile le nouveau rapport Pesticides : un modèle qui nous est cher, mené par le BASIC, le CCFD-Terre Solidaire et POLLINIS. Ce nouveau rapport chiffre l’impact des pesticides pour la société. Par contact, respiration ou ingestion, les pesticides peuvent contaminer l’ensemble de la faune et la flore. De la dépollution des sols et des eaux, en passant par les soins des maladies du travail, les coûts sont multiples pour la société. Les pesticides ont engendré au minimum 372 millions d’euros de dépenses publiques pour la seule année 2017. Si l’on prenait en compte tous les impacts indirects des pesticides, ce montant pourrait s’élever à 18,7 milliards d’euros en France seulement. En comparaison, dans l’Hexagone les ventes de pesticides de synthèse à usage agricole se sont élevées à 211 millions d’euros en 2017. Ces substances engendrent donc plus de coûts qu’elles n’en rapportent.

Aujourd’hui, au sein de l’Union européenne, le secteur des pesticides coûte deux fois plus cher aux citoyens qu’il ne rapporte aux firmes qui les fabriquent et les commercialisent : 2,3 milliards d’euros directement attribuables aux pesticides et à la charge de la société en 2017, contre 0,9 milliards d’euros de bénéfices nets réalisés par l’industrie la même année. Ainsi, l’Union européenne offre près d’un demi-milliard d’euros par an au secteur en réduction de TVA, tandis que le système agro-industriel auquel ils sont intrinsèquement associés ne tient pas ses principales promesses : la faim persiste, la malnutrition augmente et les revenus des agriculteurs restent insuffisants.

L’utilisation des machines motorisées, d’engrais et de pesticides a eu des retombées indéniables sur les rendements. Si les surfaces cultivées ont augmenté de 50 %, les rendements ont plus que doublé. In fine, la production végétale agricole mondiale a ainsi été multipliée par 3,4. Ces dernières années, on observe une stagnation, voire une baisse des rendements agricoles. C’est notamment le cas pour 24 à 39 % des zones de culture de maïs, de riz, de blé ou de soja au niveau mondial. Ce phénomène s’explique par la résistance aux pesticides, à la dégradation des sols et l’érosion de la biodiversité. Ainsi, alors que la production agricole mondiale serait suffisante pour nourrir 1,5 fois la population mondiale, 40 % de la population mondiale se trouve toujours en insécurité alimentaire. Depuis six ans, ce chiffre est en hausse, notamment à cause du dérèglement climatique.

Malgré ce constat d’échec et la remise en question grandissante du modèle agricole intensif, les institutions continuent de soutenir les fabricants de pesticides et leur volonté d’imposer une 3e révolution agricole. Les leaders du secteur tentent en effet de se réinventer en développant « l’agriculture numérique » et les nouvelles technologies du génie génétique. Cette évolution, coûteuse et dont les impacts sont trop peu documentés, repose sur l’utilisation intensive de ressources non-renouvelables et accentue la dépendance des agriculteurs vis-à-vis de leurs fournisseurs d’intrants. Derrière cette vision high tech se cache une réalité moins reluisante pour le secteur : il repose de plus en plus sur son expansion à l’international et notamment l’export, dans les pays en développement et émergents, de pesticides interdits en Europe en raison de leur toxicité. N’oublions pas que les premières victimes des pesticides sont les agriculteurs eux-mêmes. Mais un autre modèle agricole et possible, Cuba a démontré que l’on pouvait avoir une agriculture nourricière sans utiliser les produits chimiques du lobby de la chimie.

« Face à un système qui confisque le droit des peuples à se nourrir par eux-mêmes, l’agroécologie est une alternative éthique et réaliste, un acte de légitime résistance, qui permet l’autonomie des populations et la préservation de leurs patrimoines nourriciers. » Pierre Rahbi

Nou artrouv’

David Gauvin

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