Les réflexes ont la vie dure

26 janvier 2011, par Geoffroy Géraud-Legros

Nouvel exploit, avant-hier, de Nicolas Sarkozy. Alors que la France s’apprête à accueillir d’importants Sommets internationaux, où il sera question des relations monétaires entre les USA et la Chine, des impératifs du développement durable et de questions d’importance planétaire, le chef de l’État a quasiment évité le fond de ces sujets, préférant longuement disserter à la télévision sur la chute d’Abbidine Ben Ali.
A en croire le locataire de l’Élysée, la crise tunisienne lui a servi de leçon. Juré, il saura désormais déceler le mal-être derrière les stock-options et les minijupes. Il saura maintenant que ce n’est pas parce que les riches s’enrichissent que tout le monde est forcément content. Preuve de cette conversion du regard, Nicolas Sarkozy s’est employé à enfoncer son ancien compère, jurant main sur le cœur que son administration mettrait tout en œuvre pour « restituer les richesses pillées ».
La prise de conscience va même plus loin : face à l’Histoire, le Président de la République française a déclaré que la « puissance coloniale (sic) est toujours illégitime à prononcer un jugement sur les affaires intérieures d’une ancienne colonie ». Plus question, a-t-il tonné, que « la France soit assimilée à un pays qui a gardé des réflexes coloniaux ».
Ce sont les communicants de l’Élysée qui doivent être bien embarrassés depuis cette sortie. Parce qu’il va être un tantinet délicat désormais de justifier la grossière immixtion de la France dans le contentieux électoral en Côte d’Ivoire… où, soit dit en passant, des milliers de soldats français campent depuis près de 8 ans, pendant que Bouygues et Bolloré ramassent le pactole sur le dos des indigènes. En parlant d’indigènes, on se demande bien ce que l’Administration dénuée de "réflexes coloniaux" va servir aux décolonisés que nous sommes depuis 1946, pour nous faire comprendre que c’est un commissaire exogène qui doit s’occuper du développement endogène. Et pour nous expliquer pourquoi, alors que nous disposons de compétences en matière de coopération régionale, on nous dépêche pour quelques heures Marie-Luce Penchard lorsqu’il s’agit de rencontrer M. Ramgoolam, chef du gouvernement de cette île située à moins de 200 km, que nous nommons « sœur » et où l’on nous appelle « cousins ».
Les réflexes, décidément, ont la vie dure.

GGL

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