Les restes de la République sont dans la cuisine

21 janvier 2011, par Geoffroy Géraud-Legros

Il y a une semaine, le député UMP Jean-François Mancel déposait une loi qui, si elle vient à être adoptée, réservera le statut de fonctionnaire aux militaires, aux magistrats et à la police. Les autres se retrouveront sous le régime de contrats de travail qui ont de fortes chances d’être à durée déterminée. Autrement dit, la plupart des agents exerçant des fonctions sociales ont toutes les chances de plonger dans la précarité.

Un moyen commode de mettre sous pression permanente tous les auxiliaires de l’État et des collectivités, et de réserver la continuité et la stabilité de l’emploi à ceux qui ont pour rôle de réprimer, d’enfermer ou d’envahir. Cela dans le but évident de faire taire les voix de ceux qui, dans la fonction publique, refusent la casse de l’Etat social. Une fenêtre ouverte de surcroît à la corruption des agents publics.

Mais les victimes immédiates de cette régression seront les femmes : si celles-ci sont majoritaires dans le secteur de la magistrature aux effectifs très réduits, elles ne sont guère nombreuses sous l’uniforme.
En revanche, les femmes constituent l’écrasante majorité des enseignants (65%), du secteur hospitalier (88%)... sans parler des emplois de secrétariat, dont elles occupent la presque totalité. Comme la réforme des retraites, l’attaque contre la fonction publique fait apparaître la nature sexiste d’un régime qui tente de se présenter sous le jour de la modernité, et fait mine de mettre quelques femmes à des postes éminents.

Derrière ces effets de com’, le pouvoir UMP nourrit en vérité un projet profondément réactionnaire : raffermir l’ordre mâle, qui réserve le travail, les responsabilités et les possibilités d’émancipation aux hommes, assignant les femmes aux tâches domestiques ou à des emplois subalternes.
Généralement passée sous silence, cette dimension misogyne de la destruction de l’État social cause d’immenses dégâts : aujourd’hui, 7 pauvres sur 10 et 8 retraités pauvres sur 10 sont des femmes. Si 34% des hommes vivent dans la précarité tout en occupant un emploi, ce taux atteint à 54% pour les femmes.

La démolition programmée du statut des fonctionnaires entraînera immanquablement une nouvelle plongée de celles-ci dans la précarité... et renforcera le pouvoir des hiérarchies masculines. Non seulement parce que les femmes, plus nombreuses dans les secteurs sociaux de la fonction publique, seront les grandes perdantes du passage au statut contractuel. Mais aussi parce que le fonctionnariat au rabais reconduira la structure du pouvoir : les postes dirigeants sont d’ores et déjà occupés par des hommes, même dans les secteurs les plus féminisés de la fonction publique.

« Les restes du communisme sont dans la cuisine », écrivait ironiquement l’écrivain croate Slavenka Drakulic, évoquant la revanche traditionaliste du régime post-communiste qui, dans son pays comme en Pologne, renvoyait brutalement les femmes aux tâches ménagères. Formule que l’on pourrait paraphraser en Sarkozie, tant les « réformes » réactionnaires qui s’enchaînent cherchent à battre en brèche les conquêtes sociales des femmes : les restes de la République sont dans la cuisine.

G.G.-L.

Nicolas Sarkozy

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