Leur morale et la nôtre

7 septembre 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

A l’appel de nombreuses organisations sociales et politiques et de l’ensemble des syndicats, les Réunionnais prennent la rue.
Mot d’ordre : le retrait immédiat d’un projet qui vise la destruction de la retraite des travailleurs, conquête fondamentale du droit social.
Une fois encore, derrière le paravent de la « réforme » se profile une régression absolue. Et une fois encore, les Réunionnais y seraient bien plus perdants encore que nos concitoyens de l’Hexagone : car pour avoir une retraite il faut avoir travaillé… or, dans notre île livrée depuis près de 40 ans au chômage de masse, le travail est un bien rare, que morcelle l’impénétrable mosaïque des « petits contrats ».

Premières victimes, les jeunes, dont la moitié sont sans emploi. La plupart d’entre eux, avertissait dimanche dernier Gilles Leperlier, seraient irrémédiablement « condamnés à la pauvreté à 62 ans » par l’application du texte. Autre douloureuse « spécificité » : le faible niveau des retraites à La Réunion, où –serait-ce imaginable de l’autre côté de la mer ?- près du tiers des gramounes sont au minimum vieillesse. Contre 5% seulement des retraités en France hexagonale.
C’est dire que cette journée est un moment-test : l’une de ces heures claires où l’on voit qui est qui, et où on est ce que l’on fait.
On sait déjà quels parlementaires réunionnais prendront leurs responsabilités envers leur peuple, devant le peuple de France et face à l’histoire, en votant contre le texte gouvernemental.

Reste à savoir ce que feront les autres… mais comprennent-ils, au moins, quelle serait la portée morale d’un vote favorable ? D’une abstention, ou d’un refus de prendre part au vote, qui vaudraient acceptation de la casse de la retraite ?
Sans doute, ils le savent. Mais sans doute, aussi, ils s’en moquent. Car le monde des jeunes chômeurs, du travail précaire et de la vieillesse abandonnée n’est pas leur monde. Et la morale de ceux qui se manifestent n’est pas leur morale.
La preuve : rentré hier bronzé et en pleine forme de l’île soeur, où il était parti « bat’ carré », et où face à un douanier mauricien, il s’est fendu d’un « I don’t speak English » qui restera dans les annales, Didier Robert a programmé pour aujourd’hui une commission permanente du Conseil régional… comme de bien entendu, aux heures où se tiendra la grande manifestation. Histoire de montrer qu’il se contrefout du désir de justice et de dignité qui s’écoulera demain dans les rues de Saint-Pierre et de Saint-Denis.

G.G.-L.

Didier Robert

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