Mais que fait la France à Mayotte ?

23 février 2022, par David Gauvin

L’actualité de ces derniers jours est marquée par de nombreux barrages érigés au niveau des points stratégiques de Mayotte. Lundi, à Vahibé, comme au niveau du pont entre les villages de Combani et de Miréréni, la route a été fermée aux usagers. Toute la journée de violents affrontements ont, également, eu lieu au niveau du pont de la commune de Tsingoni.

Extrait du journal de Mayotte Première.

L’insécurité a poussé à bout les riverains de M’tsapéré. Une multitude de barrages ont vu le jour ce week-end et continuent de s’étendre dans le village, provoquant d’importants bouchons à ses abords. Ils ne seront pas levés « tant que des mesures concrètes » ne seront pas données aux habitants. Dans les rues de Mtsapéré, la colère ne retombe pas. Des caillassages quotidiens, des agressions et surtout le meurtre de l’un de ses habitants à Cavani, le 31 janvier, rendent la situation de plus en plus tendue. Depuis vendredi, des barrages poussent comme des champignons. Ce lundi, c’est même la paralysie totale dans tout le village, augmentant au passage un peu plus les embouteillages habituels de Mamoudzou. « On a voulu bloquer le rond-point de Doujani vers 4h du matin, mais des policiers sont venus nous dire de lever le barrage », raconte Saïdani. Ce riverain de M’tsapéré fait partie du collectif à l’origine du mouvement. Face à la montée de la violence, Taki et d’autres se disent prêts « à se faire justice eux-mêmes ». Ce qu’il s’est passé pendant la manifestation pacifique de samedi matin ne fait que confirmer cela. Pour exiger de mettre un terme à l’insécurité chronique qui sévit sur Mayotte, une marche est partie depuis Passamaïnty pour rejoindre le comité du tourisme de Mamoudzou. Au même moment, des caillassages ont éclaté au centre de M’tsapéré. Poussé par le nombre, le groupe de manifestants a pris les devants et s’est présenté face aux jeunes. En réponse, ces derniers ont agressé plusieurs personnes, dont l’une d’elles a été violemment blessée à la tête.

La délinquance d’appropriation est particulièrement forte à Mayotte. En 2018 ou 2019, 18 % des ménages déclarent avoir été victimes d’un cambriolage ou d’un vol sans effraction, soit quatre fois plus qu’en France métropolitaine. De plus, les habitants de Mayotte sont personnellement trois fois plus victimes de vols avec ou sans violences. Les vols sont aussi plus souvent aboutis, les multi-victimes plus nombreuses et le recours à la violence ou aux menaces beaucoup plus fréquent que dans l’Hexagone. Ainsi, une personne sur dix a subi une violence physique au cours des deux dernières années. Les vols de véhicules à moteur ou d’objets dans la voiture, pour ceux qui en possèdent, ou les vols de végétaux ou d’animaux sur les terrains sont aussi fréquents.
Pourtant, la part de victimes ayant déclaré avoir déposé plainte dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie est faible. Quand il s’agit d’une atteinte à leur résidence principale, les victimes, rarement assurées, n’en voient le plus souvent pas l’utilité. Le sentiment d’insécurité est très fort à Mayotte : près de la moitié des personnes se sentent en insécurité souvent ou de temps en temps, à leur domicile ou leur quartier, soit cinq à six fois plus que les habitants de l’Hexagone. Par ailleurs, 6 % des adultes déclarent avoir été victimes de violences physiques intrafamiliales ou de violences sexuelles dans le ménage ou en dehors, soit deux fois plus qu’en France.

L’ampleur de la délinquance génère un fort sentiment d’insécurité à Mayotte. Ainsi, six habitants sur dix se sentent en insécurité à leur domicile ou dans leur quartier. C’est plus particulièrement le cas des femmes et des victimes de vols ou de menaces. En outre, quatre habitants sur dix renoncent souvent ou parfois à sortir de chez eux. Dans ce contexte, l’action des forces de l’ordre est très majoritairement jugée insuffisante. La délinquance représente la principale préoccupation des habitants de Mayotte, à la fois pour la société actuelle ou pour leur village. Si sept habitants sur dix considèrent que leur village est agréable à vivre, la plupart déclarent qu’il manque d’équipements essentiels et d’animation, particulièrement pour les jeunes. Le sentiment d’insécurité peut se traduire par la crainte de sortir de chez soi. Ainsi, 40 % des habitants de Mayotte renoncent souvent ou parfois à sortir seuls dans la vie courante, pour des raisons de sécurité. C’est quatre fois plus que dans l’Hexagone. Parmi les personnes qui renoncent à sortir, 86 % évitent le début de soirée et la nuit. Mais 14 % y renoncent la plupart du temps, y compris en journée. Un tiers des personnes déclarent que la présence de groupes de personnes, parfois ou souvent, aux abords de leur domicile, les inquiète.

À l’issue de ses travaux, la commission des lois du Sénat formule seize recommandations pour mettre fin à l’inadmissible augmentation de la violence que connaît Mayotte depuis plusieurs années. Il est urgent d’octroyer aux forces de l’ordre les moyens de leurs missions, exercées dans un contexte particulièrement difficile, régulièrement émaillé de violences à leur endroit. Si certains moyens, humains et matériels, font encore défaut, la commission appelle surtout à une réflexion sur des améliorations organisationnelles. L’autorité de l’institution judiciaire à Mayotte doit également être renforcée. Les pouvoirs publics ont la responsabilité d’organiser le rattrapage des moyens alloués à l’administration de la justice dans ce territoire, préalable indispensable au renforcement de l’action de l’autorité judiciaire. Les défis structurels que rencontre la société mahoraise constituent au surplus un contexte propice à l’insécurité, à commencer par la situation migratoire extraordinaire à laquelle est confrontée Mayotte. L’assouplissement des conditions d’interception des « kwassas », la restriction des conditions d’accès à la nationalité et au séjour régulier ainsi que l’approfondissement de la difficile coopération diplomatique avec l’Union des Comores doivent être envisagés. Un accompagnement des collectivités territoriales à la hauteur de leur engagement dans la lutte contre l’insécurité est également nécessaire. La poursuite, avec le concours de l’État, des efforts engagés par celles-ci dans l’amélioration de l’éclairage public, du recensement, ou encore de l’aide sociale à l’enfance constitue l’une des clés pour la réussite de la lutte contre une délinquance qui exaspère depuis trop longtemps les Mahorais. « Même si des efforts indéniables ont été faits », selon François-Noël Buffet « la réponse des pouvoirs publics à l’insécurité à Mayotte doit être à la hauteur de la dégradation de la situation, liée à une délinquance très violente essentiellement juvénile. Elle doit se traduire par des renforcements des moyens à court terme, mais aussi par une vision à long terme, qui fait encore défaut. » » La France a pris possession de Mayotte depuis 1841, à titre d’exemple la Savoie elle a été rattachée qu’en 1860. On peut donc se demander ce qu’a fait la France depuis 1841 à Mayotte.

« La sécurité n’a pas de prix mais elle coûte chère. » Tahar Houhou

Nou artrouv’

David Gauvin

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