Pourquoi des jeunes barrent-ils la route ?

6 mars 2013, par J.B.

C’est devenu un classique : des jeunes montent un barrage à un point stratégique, bloquent la circulation et demandent à rencontrer le maire. Pourquoi ? Officiellement, c’est pour avoir « un contrat » de quelques mois. L’an dernier, il y a eu 3 cas ; depuis 2 mois, le phénomène s’est amplifié. Connaît-on un autre territoire de la République française soumis à de telles pressions ?
La France est une puissance économique mondiale, membre du G20, les 20 pays les plus riches de la planète. Deux Français dirigent deux des plus importantes institutions économiques mondiales. Pascal Lamy est à la direction de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce) et Christine Lagarde pilote le FMI (Fonds Monétaire internationale). Quelles que soient les qualités personnelles de ces experts, l’obtention de ces postes prestigieux dénote l’influence française dans les négociations qui ont précédé aux choix.

La France d’en haut, les gars d’en bas.

A l’autre bout de la planète, après 67 ans de départementalisation, des jeunes Réunionnais luttent pour leur survie. Ils ont décidé de zapper les institutions règlementaires qu’ils considèrent totalement inopérantes. Ils ont inventé un autre mode opératoire : la négociation directe avec le maire. Pour réussir, ils prennent à témoin l’opinion la plus large pour être sûrs que « le contrat » sera bien respecté. Généralement, les maires respectent le pacte social, ce qui dénote une certaine efficacité de l’action des jeunes.
Le contraste est saisissant entre les 2 niveaux décisionnels. D’un côté, l’efficacité de l’exécutif français, de l’autre côté, la paralysie à traiter l’emploi des jeunes Réunionnais. Quand 60% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, comment interpréter la déclaration d’un ministre qui affirme que l’Etat a déjà fait ce qu’il faut ? Sous-entendu, passez, il n’y a plus rien à voir...

Une crise institutionnelle.

Ne nous trompons pas : nous vivons une crise institutionnelle profonde qui conduit les jeunes à ne plus avoir confiance du tout dans l’appareil d’Etat, trop éloigné de leur survie quotidienne.
Devant le vide étatique, il faut interpréter les manifestations de rue ainsi : les maires restent leur seul interlocuteur, à qui ils semblent accorder beaucoup de pouvoir. En dépit de ces illusions, c’est la seule bouée de sauvetage à laquelle ils ont accroché la dernière goutte d’espoir. Nous avons vu plusieurs maires plonger courageusement dans ce désordre social et psychologique, pour nouer le dialogue. Par contre, deux maires de grandes communes ont préféré inventer un stratagème pour détourner l’attention des jeunes vers Pôle Emploi. Or, tout le monde sait que ce sont ces maires qui choisiront en final et signeront les contrats. Ces élu-e-s qui ont peur des jeunes, c’est un autre aspect de la crise institutionnelle.

Une nouvelle légitimité

Ces jeunes qui barrent la route, ce sont des humains qui veulent travailler et être considérés. L’instant d’un barrage, ils ont partagé le pouvoir de décisions sur un sujet qui les concernent. En définitive, ils revendiquent l’Egalité entre les Réunionnais ! Devant le vide étatique, une nouvelle légitimité est en train de naître de nos barricades péi.

J.B.


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Messages

  • Malgr la crise institutionnelle, les élus continuent à occulter les véritables raisons de la crise conomique et sociale. Ils les occultent parcequ’ils sont les au service des profits normes en faveur de l’oligarchie de l’importation et de la grande distribution. Ils sont unanimenent d’accord sur l’application de l’octroi de mer. Dans ces conditions, comment favoriser le développement local de notre économie, de la création d’entreprise, de l’exploitation agricole et d’élevage ?
    Ce n’est pas la départementalisation qui en est la cause. C’est la volonté politique de considérer La Réunion en colonie qui en est la cause. Les élus en revendiquant une autonomie, imaginent qu’ils auront moins de compte à rendre la justice française et europenne.
    Ils trouvent un appui inconditionnel de la bourgeoisie locale qui rêve d’une absence de réglementation du travail et du respect des institutions de la République. De cela aussi, les jeunes en sont conscients.


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