Travailleurs pauvres : quand le travail ne permet plus de vivre, le pacte social est ébréché

14 décembre 2021, par David Gauvin

Le mois à peine entamé que, déjà, les comptes en banque frôlent le rouge… 55 euros : c’est ce qu’il restait en moyenne le 10 octobre dernier sur le compte bancaire des Français les plus modestes.

C’est ce qui ressort de l’indicateur du pouvoir d’achat que RMC a dévoilé récemment, dans le cadre de son opération « Le 10 du mois » : il s’agit d’un nouvel indicateur pour suivre l’évolution du votre pouvoir d’achat des Français. Cette date du 10 du mois est marquante pour une large partie des Français : les « dépenses contraintes » – loyer, remboursements de crédit, factures d’électricité, de téléphone, d’assurance… – qui plombent les finances de ces Français sont prélevées en tout début de mois. D’après Finfrog, deux tiers des dépenses réalisées par prélèvement interviennent avant cette date. Ainsi, selon l’organisme de microcrédit, au 10 de chaque mois, il ne reste que 94 euros, en moyenne, sur le compte des personnes qui gagnent moins de 2000 euros pour tenir jusqu’à la fin du mois. En octobre denier, sur le panel de 7500 personnes gagnant moins de 2000 euros par mois, il n’y avait plus que 55 euros sur le compte en banque, pour boucler le mois. Ce qu’il ressort de cette étude est net et précis : avec la hausse des prix de l’énergie, des produits de bases, il est de plus en plus compliqué de terminer le mois. Car il faut aussi payer la nourriture, l’essence, par exemple. Et, souvent, les comptes basculent dans le rouge autour du 15. Ce n’est qu’autour du 25, quand le salaire est versé, que les Français sortent la tête de l’eau.
Reste que c’est le logement qui plombe le budget des Français : il s’agit du premier poste de dépense et qui représente parfois plus de 40 % du budget d’un ménage.

On a longtemps cru en France que le travailleur pauvre était un phénomène exclusivement anglo-saxon. Jusqu’à la fin des années 1990, on ne trouvait d’ailleurs, pour désigner ce phénomène dans les rares travaux qui en traitaient, que le vocable de working poors. La France, pensait-on, en était protégée grâce à sa protection sociale et à son salaire minimum. Ce dernier, sans être le mieux doté des minima salariaux pratiqués dans l’Union européenne, se situait effectivement parmi les plus élevés. Quant à la protection sociale, l’emploi assurait un matelas de sécurité à tous ceux qui en bénéficiaient et à leurs personnes à charge : assurance maladie, assurance chômage, droits à retraite, etc. Aussi, lorsqu’en 1989, l’un des derniers trous béants de la protection sociale fut comblé grâce à la création du revenu minimum d’insertion (RMI), le bénéfice de cette prestation fut réservé uniquement aux personnes sans emploi : tout revenu professionnel gagné était intégralement déduit de l’allocation versée. Même si cette règle, accusée par la suite de dissuader les allocataires de sortir de l’assistance, fut ensuite aménagée par de complexes dispositifs (« l’intéressement »), le principe d’une séparation absolue entre assistance et emploi fut maintenu et maintes fois réaffirmé : l’emploi était censé procurer un revenu et une protection sociale suffisants pour exclure de la solidarité nationale tous les ménages de travailleurs ayant un emploi.

Une première brèche fut bien ouverte en 2000, lorsque Laurent Fabius, alors ministre de l’Économie, créa la « prime pour l’emploi ». Mais il s’agissait moins de compléter les revenus insuffisants tirés de l’emploi que d’équilibrer le « cadeau fiscal » fait à la moitié la plus privilégiée des ménages – celle qui payait l’impôt sur le revenu – par le biais de la réduction de cet impôt décidée alors. Il s’agissait d’équité, pas de lutte contre l’appauvrissement des travailleurs dont l’importance était alors ignorée, pour ne pas dire niée. Mais, très rapidement ensuite, les choses changèrent. Sous la pression d’une opinion persuadée que les inégalités de revenus augmentaient, au bénéfice des plus riches et au détriment des plus pauvres, l’Insee, en 1996, décida de rendre annuelle la seule enquête dont elle disposait pour mesurer le détail de ces inégalités et leurs évolutions : l’enquête revenus fiscaux (ERF), devenue en 2007 l’enquête revenus fiscaux et sociaux (ERFS). Comme son nom l’indique, cette enquête s’appuie sur les déclarations de revenus effectuées chaque année par la quasi-totalité (98 %) des ménages. La publication des premiers chiffres (1999, correspondant aux revenus de 1996) fit l’effet d’une bombe : deux millions de travailleurs en emploi – 8 % du total – vivaient alors dans des ménages dont le niveau de vie était inférieur au seuil de pauvreté. Encore fallait-il s’entendre sur les termes : qu’est-ce qu’un travailleur ? Et qu’est-ce qu’être pauvre ? Pour l’Insee, est travailleur toute personne ayant été active au cours des six derniers mois, dont un mois au moins en emploi, ce qui conduit à intégrer dans les travailleurs une partie des chômeurs – ceux qui le sont depuis moins de cinq mois – et à exclure tous les autres, et notamment les chômeurs de longue durée (plus d’un an). Quant au fait de travailler, il suffit de l’avoir fait ne serait-ce qu’une heure au cours d’une semaine de référence.

L’emploi ne représente plus une garantie absolue contre la pauvreté. Si l’exercice d’une activité diminue le risque de pauvreté et d’exclusion sociale, cela ne constitue plus aujourd’hui une protection absolue, puisque près de 7 % des personnes actives en emploi perçoivent des revenus inférieurs à 817 euros par mois. Selon la définition française retenue par l’Insee, cette nouvelle catégorie de travailleurs pauvres regroupe 1,74 million de personnes actives durant la moitié de l’année (alternance possible de périodes de chômage et d’emploi), ayant travaillé pendant au moins un mois et dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. La réalité des situations peut être assez diverse : temps partiel subi, jeunes faiblement diplômés titulaires d’un emploi précaire, personnes qui alternent périodes d’activité et de chômage ou qui se retirent progressivement du marché du travail. On observe toutefois que dans leur très large majorité (78 %), les travailleurs pauvres occupent un emploi toute l’année, parmi lesquels environ 20 % exercent une activité à temps partiel. Les travailleurs indépendants, qui constituent 10 % de l’ensemble des travailleurs, sont surreprésentés, puisqu’ils correspondent à 27 % des travailleurs pauvres. Ils sont également davantage exposés au risque de pauvreté que les travailleurs salariés (19,2 % contre 5,8 %, soit environ trois fois plus). En moyenne, les sommes perçues par les travailleurs pauvres au titre de leur activité s’élèvent à 775 euros par mois, tandis que la moitié d’entre eux perçoit moins de 741 euros. Au-delà des facteurs aggravants liés à la précarité de l’emploi, plusieurs études mettent également en évidence l’influence déterminante de la structure des ménages : on constate par exemple que plus du tiers des travailleurs pauvres perçoivent un revenu individuel supérieur au Smic, qui excède de 16 % le seuil de pauvreté. Ces travailleurs ne sont donc pas pauvres en raison de la précarité de leur emploi mais parce que la répartition du revenu disponible au sein du ménage qu’ils font vivre aboutit à la pauvreté de chacun des membres qui le composent. A l’inverse, trois quarts des travailleurs dont les revenus sont inférieurs à un Smic ne sont pas pauvres, parce qu’ils bénéficient, du fait de leur situation familiale, de revenus complémentaires (salaires de leur conjoint, transferts sociaux, etc.). La structure familiale apparaît donc comme un facteur déterminant dans l’appréciation des situations individuelles au regard de la pauvreté. C’est pourquoi une approche complémentaire, fondée sur la notion de « pauvreté économique individuelle », permet de neutraliser l’effet de la composition familiale sur les revenus du ménage et d’apprécier la situation de pauvreté d’une personne à partir de ses seuls revenus individuels d’activité. Selon cette approche, 3,7 millions de personnes seraient considérées comme pauvres, soit 15 % de l’ensemble des travailleurs : un sur cinq est indépendant ou alterne période de chômage et d’activité, un tiers travaille à temps partiel et seulement 14 % travaillent à temps complet toute l’année. Et pendant ce temps la, le vrai problème du Pays, c’est l’immigration……

« On sent l’amertume du travail lorsqu’il ne nourrit plus le travailleur. » Thomas Gatabazi

Nou artrouv’

David Gauvin

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Messages

  • On attend quoi pour supprimer l’octroi de mer ? En métropole cette taxe n’existe pas. ce sont les "travailleurs pauvres" comme vous dites qui doivent PAYER l’immense gaspillage des collectivités locales ? Vous voyez ce qui se passe quand on donne du pouvoir aux indigènes ? Ils hurlent à tous vents qu’il faut développer leur pays et ils commencent par quoi ? TAXER les plus pauvres. Vous commencez à comprendre pourquoi je suis JACOBIN ?
    Bényl TAILLEMAN
    Militant Communiste de Toujours
    Non-croyant, Hébertiste et Stalinien


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