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Rapport Sauvé, l’Église face à ses démons

jeudi 28 octobre 2021, par David Gauvin, Editorialistes


La Commission Sauvé, qui enquête sur l’ampleur de la pédocriminalité depuis 1950 en France, a publié ses conclusions accablantes, mardi 5 octobre. Sont concernés « 2900 à 3200 », hommes – prêtres ou religieux – sur la période de 70 ans, selon le rapport de quelque 2500 pages.


Le 5 octobre, la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) remettait son rapport, mettant en évidence le caractère « systémique » de ces abus et évaluant à 216 000 le nombre de victimes – 330 000 en comptant celles de laïcs – depuis les années 1950. Depuis la révélation de ces chiffres et des douloureux récits de personnes abusés, les tribunes et appels se multiplient, avec en ligne de mire l’Assemblée plénière des évêques de France, qui aura lieu du 2 au 8 novembre à Lourdes.

L’épiscopat travaille à la mise en œuvre des 45 recommandations de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase). Deux dossiers sont prioritaires pour l’Église de France, a indiqué mardi Mgr Éric de Moulins-Beaufort à Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, lors de leur entrevue au sujet de la polémique sur le secret de confession qui serait « plus fort » que les lois de la République. Le statut du secret de confession, d’une part, notamment en cas de confidences d’un mineur abusé sexuellement mais aussi d’un prêtre agresseur : le confesseur doit-il dénoncer ? La mise en place, d’autre part, dans tous les diocèses, de protocoles avec la justice civile pour déclencher des « signalements » quasi automatiques, dès qu’il y a suspicion d’agression sexuelle de la part d’un clerc.

Dans son rapport, la commission présidée par Jean-Marc Sauvé formule quarante-cinq recommandations, pensées en coopération avec les représentants des associations de victimes. La première d’entre elles invite l’Église à reconnaître sa responsabilité en tant qu’institution. La Ciase recommande par ailleurs que la reconnaissance et l’indemnisation individualisée (et non pas forfaitaire), soient confiées à un organisme indépendant mis en place par l’Église. François Devaux, cofondateur de La Parole libérée, l’association lyonnaise créée par des victimes du père Preynat, et qui a largement contribué a installer une pression médiatique sur l’Église ces dernières années, souligne : « La commission n’a pas failli. Pour une fois, on n’assiste pas à une énième minimisation de nos souffrances. Maintenant, au vu du nombre de victimes, l’Église va devoir débloquer des milliards, dans des délais records. On attend depuis les années 2000, des victimes meurent tous les jours. On ne peut plus attendre, c’est fini maintenant. » Depuis mars, la liste de onze résolutions votées par les évêques de France « pour que l’Église soit une maison sûre » prévoit le versement d’indemnités dès 2022. À partir d’un fonds initialement doté de… 5 millions d’euros.

Au-delà d’une indemnisation financière qui ne réparera jamais les blessures subies, l’Église va devoir se confronter à son mode de gouvernance, à la formation de ses clercs, à sa théologie morale, à sa conception de la sexualité. « Ils vont devoir tout réécrire », souffle François Devaux. Le rapport de la Ciase recommande une réforme du droit canonique, et pointe les risques d’une concentration des pouvoirs dans les mains des évêques « à la fois DRH, promoteurs de justice, autorités de poursuite, indirectement responsables de la nomination des juges, et chargés de l’application des peines ». Parmi ses autres recommandations, la commission remet en cause le secret de la confession, et encourage vivement l’Église à ouvrir sa gouvernance aux laïcs, hommes et femmes. Et ce d’autant plus qu’une institution qui réserve ses postes de pouvoir aux hommes s’expose davantage aux violences sexuelles, comme l’a expliqué la sociologue Nathalie Bajos, membre de la Ciase : « Tout ce qui concourt à valoriser la domination masculine concourt à favoriser les violences sexuelles. »

« L’Éternel sonde le juste ; il hait le méchant et celui qui se plaît à la violence. » Psaume 11:5

Nou artrouv’

David Gauvin


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