Route du littoral : plusieurs générations victimes d’une décision politique
14 juin 2016, par
Avant de prendre une décision politique, il est nécessaire de bien en apprécier les conséquences à long terme. Il ne faut pas en effet hypothéquer l’avenir des générations suivantes pour s’engager vers une solution à un problème que l’on croit résoudre rapidement.
Lors du premier choc pétrolier en 1973, la hausse brutale de cette matière première a amené les pays occidentaux à prendre en compte le fait que le prix du pétrole ne sera plus jamais aussi bon marché qu’il ne l’était. À ce moment, une solution envisagée était celle de l’énergie nucléaire pour remplacer le pétrole dans la production d’électricité. La France disposait alors d’importantes mines d’uranium. Le problème du stockage des déchets était renvoyé à plus tard. Le Danemark a choisi de ne pas s’engager sur cette voie. Il a refusé le nucléaire et préféré développer les énergies renouvelables. Ce n’était pas la solution de facilité, car tant que ces technologies n’allaient pas être à maturité, le pays allait devoir encore compter sur le charbon et le pétrole majoritairement. Mais aujourd’hui, le Danemark peut compter sur le vent pour assurer une bonne part de sa production électrique, et il n’a pas à gérer les conséquences du nucléaire.
Car outre la construction de centres d’enfouissement suffisamment étanches pour garder loin de la population des déchets encore radioactif pendant des milliers d’années, la France est face à un problème qu’elle mettra plusieurs générations à résoudre. Il s’agit du démantèlement de ses premières centrales nucléaires. Ce type d’installation a en effet une durée de vie limitée. Six réacteurs mis en service dans les années 1960-1970 doivent être démontés. EDF estime que les travaux ne pourront pas avoir lieu avant 2100, voire 2115, le temps d’attendre que la radioactivité diminue, ce qui permettra d’assurer le démantèlement à l’air libre. Rendez-vous est donné dans un siècle. L’Autorité de sûreté nucléaire juge cela « inacceptable » selon un de ses responsables interrogé hier par RTL. « Au XXIIème siècle, moi je ne serai plus là. Il serait extrêmement présomptueux de dire qu’EDF existera encore au XXIIème siècle (...) Si vous regardez un siècle en arrière, on était en 1916 au moment de la bataille de Verdun. Il serait hasardeux de se projeter dans un siècle et dire ’on fera ci, on fera ça !’ Quand on a des échéances lointaines, elles sont rarement tenues ».
À La Réunion, des responsables politiques ont choisi de supprimer le chemin de fer et de construire la route du littoral. 60 ans après cette décision, la question de la liaison entre Saint-Denis et La Possession n’est toujours pas réglée. Après la construction de la première route du littoral près de la falaise, une seconde un peu plus éloignée est large de 4 voies a été mise en service. Aujourd’hui, une troisième est en projet, le chantier est lancé alors que la question des matériaux n’est toujours pas résolue. Cela signifie que ceux qui ont décidé de supprimer le chemin de fer à La Réunion ont condamné les générations suivantes à supporter les conséquences de ce choix, comme pour le nucléaire en France. À la différence que la part des dépenses faites pour la NRL est proportionnellement plus importante à l’échelle de La Réunion que celles qui sont liées au démantèlement des anciennes centrales nucléaires en France. En effet, le coût annoncé voici 6 ans pour la NRL était déjà bien supérieur à une année de recettes du maître d’ouvrage, la Région Réunion.
J.B.
Messages
14 juin 2016, 11:33, par SMJ
Excellent édito.
Mais, chaque fois que nous utilisons “NRL” au lieu de Route en mer, nous aidons les partisans de ce projet insensé.
NRL c’est une abstraction et, lorsque le lecteur développe ce sigle abstrait, ça lui parle de Nouvelle Route Littorale, ce qu’elle n’est pas mais ce que nous accréditons par notre facilité à, usant de sa présentation fallacieuse, nous rendre au principal argument de propagande des partisans de cette gigantesque duperie.
Si, lors des conf. presse ou interviews ou articles, nous insistons sur le fait qu’il s’agit d’une route en mer, nos arguments prennent une pertinence, une réalité, que ne permet pas le sigle trompeur et faussement conceptuel de NRL.
Cessons donc d’affaiblir notre bataille en concédant, dès le départ, un tel avantage à ceux qui œuvrent à un vrai désastre.