Sahara occidental : un des derniers territoires à décoloniser

8 novembre 2021, par David Gauvin

Depuis le 1er novembre et la mort de trois camionneurs algériens dans le Sahara occidental, territoire disputé, les relations entre l’Algérie et le Maroc se sont fortement dégradées. Le Sahara occidental « n’est pas à négocier ».

Les propos du roi du Maroc, Mohammed VI, samedi 6 novembre, à propos de ce territoire disputé depuis des décennies entre son pays et les indépendantistes sahraouis soutenus par l’Algérie, sont sans équivoque. Depuis l’été, les tensions entre le Maroc et l’Algérie sont exacerbées, atteignant un point culminant le 1er novembre, avec la mort de trois camionneurs, pris dans un bombardement, au Sahara occidental. Le ministère de la Communication de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) a affirmé que le peuple sahraoui poursuivra sa lutte de libération contre l’occupation marocaine jusqu’au recouvrement de la souveraineté nationale sur l’ensemble du territoire de la République sahraouie, qualifiant le discours tenu samedi par le roi du Maroc « d’inventions » et « d’illusions » visant à justifier l’intransigeance, l’arrogance et l’aventurisme de son pays. « Le peuple sahraoui qui a accepté la paix permanente avec le Royaume du Maroc en signant le plan de règlement en 1991, après 16 ans de guerre, n’arrêtera pas sa lutte tant que le Maroc ne mettra pas fin à son agression et à son occupation illégale du territoire de la République sahraouie », a indiqué le ministère sahraoui dans un communiqué.

L’ex-Sahara espagnol est disputé depuis le départ des autorités coloniales, en 1976, par le Maroc, au nom de la récupération de son territoire démembré par la colonisation, et par une large partie de la population autochtone sahraouie, représentée par le Front Polisario, au nom du droit à l’autodétermination. La revendication indépendantiste sahraouie s’appuie sur un argumentaire avant tout juridique. En tant qu’ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est inscrit depuis 1963 sur la liste des « territoires non autonomes », « en voie de décolonisation » de la Quatrième Commission des Nations Unies dites « des politiques spéciales et de décolonisation ». C’est à ce titre que la population autochtone peut prétendre au droit à l’autodétermination. Par ailleurs, dans sa charte fondatrice, l’Organisation de l’Unité africaine, devenue Union africaine depuis, avait posé le principe de l’intangibilité des frontières issues de la colonisation pour éviter, précisément, des conflits tels que celui du Sahara occidental. C’est sur cette base juridique que s’appuie le Front Polisario, représentant du peuple sahraoui reconnu par l’ONU, lorsqu’il proclame depuis l’exil la création de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) le 27 février 1976, soit le lendemain du retrait effectif de l’Espagne. Quelques mois auparavant, le 12 octobre 1975, les tribus se reconnaissant sahraouies s’étaient rassemblées autour du Front Polisario pour affirmer : « L’Unité nationale, la fin du “temps des tribus”, et la naissance du peuple sahraoui », posant là l’acte de naissance « officiel » de la Nation sahraouie.

Plus de trente années de guerre et d’exil ont entraîné la dispersion croissante de la population nomade « originaire » du Sahara occidental. Les Sahraouis seraient environ 120 000 réfugiés dans des camps situés dans le Sahara ouest-algérien, 30 000 en Mauritanie, environ 18 000 en Espagne et quelques centaines en Europe occidentale. Plusieurs milliers de jeunes nés dans les camps poursuivraient leurs études à Cuba – environ 3 000 – ou dans le Nord de l’Algérie. Enfin, ils seraient à peu près 100 000 à vivre dans la partie ouest du Sahara occidental qui est, depuis le cessez-le-feu de 1991, sous contrôle marocain tandis que quelques centaines continueraient de nomadiser dans la partie est sous contrôle du Front Polisario. Les camps de réfugiés sahraouis d’Algérie présentent une situation singulière : le pays hôte laisse une entière autonomie politique au Front Polisario sur un espace vaste comme un département français. Dès lors, l’organisation des camps est pensée pour préparer le retour dans un Sahara occidental indépendant et cet espace constitue le territoire provisoire de la RASD qui l’administre et le gère en tant que tel.
L’administration territoriale et la toponymie mises en place rapportent bien l’originalité sahraouie parmi les camps de réfugiés du monde. Les quatre principaux camps sont pensés comme étant les prémices des quatre futures wilayat – préfectures – de l’État indépendant. Elles sont divisées en six ou sept daïrat – communes –, elles-mêmes découpée en quatre hayy – quartiers. Chaque camp, chaque quartier de camp et chaque division de quartier a son « double » au Sahara occidental : Smara, Tifariti, et Bir Tirrissit sont, par exemple, tout à la fois et respectivement l’un des camps et une des principales agglomérations du territoire revendiqué, l’un des sept quartiers de ce camp et une localité à proximité de cette agglomération, et l’une des quatre divisions de ce quartier et un « lieu-dit » proche de cette localité.

Le Tribunal de l’Union européenne a annulé le 29 septembre 2021 deux accords commerciaux entre le Maroc et l’UE, l’un portant sur les produits agricoles et l’autre sur la pêche à la suite d’un recours introduit par le Polisario avec le soutien du régime algérien. « Le Tribunal annule les décisions du Conseil (de l’UE) relatives, d’une part, à l’accord entre l’UE et le Maroc modifiant les préférences tarifaires accordées par l’UE aux produits d’origine marocaine ainsi que, d’autre part, à leur accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable », précise l’arrêt du Tribunal, basé au Luxembourg. Ces accords resteront toutefois en vigueur pendant « pendant une certaine période », « afin de préserver l’action extérieure de l’Union et la sécurité juridique de ses engagements internationaux », précise l’arrêt. L’annulation des accords entre le Maroc et l’UE est d’abord une affaire européano-européenne. L’Union va défendre ses intérêts économiques et commerciaux tirés, de longue date, de son partenariat avec le Maroc. Nombre de pays européens, et tout particulièrement l’Espagne, dont les bateaux de pêche sont très actifs dans les eaux du Sahara, vont probablement introduire un recours contre cet arrêt. Par ailleurs, au cœur de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne, « l’obligation pour l’UE de s’assurer du consentement de son peuple (du Sahara occidental, Ndlr) en cas de mise en œuvre de l’accord d’association sur ce territoire ». Les populations du Sahara occidental élisent démocratiquement leurs élus communaux, régionaux et parlementaires qui sont habilités à s’exprimer sur ce sujet. Qui représente mieux les populations du Sahara que leurs élus ? Dans quelle région du Royaume le taux de participation aux élections est le plus élevé ? Au Sahara atlantique. Le royaume chérifien a construit un mur en 1990 pour « sécuriser » le territoire occupé du Sahara Oriental. Le Maroc n’a rien à faire là-bas, le RASD est reconnue internationalement comme le gouvernement en exil du territoire, mais que fait la justice internationale, si justice internationale il y a…… Un plan de l’ONU pour un référendum d’autodétermination du Sahara occidental est bloqué depuis 1992 par le Maroc qui milite en faveur d’une large autonomie sous sa propre souveraineté. Une Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso) y supervise depuis un cessez-le-feu formellement proclamé par le Polisario en septembre 1991.

« Le peuple sahraoui poursuivra le combat », Mohamed Keddad

Nou artrouv’

David Gauvin

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