Salarié (e) et aidant, la double peine

7 octobre 2021, par David Gauvin

Alors qu’a lieu ce mercredi 6 octobre la journée nationale des aidants, un rapport de Malakoff Humanis estime que 68 % des salariés s’occupant d’un proche dépendant ou malade rencontrent des difficultés financières, sociales ou de santé. Un cumul qui pèse sur leur moral.

La France compte aujourd’hui 11 millions d’aidants et 21 % des salariés du secteur privé sont aidants, un chiffre en hausse de 12 points par rapport à 2010. Alors que le gouvernement, dans le cadre du Plan « Agir pour les aidants 2020-2022 », demande aux entreprises d’inscrire le sujet des aidants en emploi au cœur de leurs critères de responsabilité sociale et environnementale (RSE), Malakoff Humanis publie les résultats de son Observatoire des Salariés Aidants. Le terme d’aidant définit toute personne qui apporte un soutien à une personne dépendante dans l’accomplissement des actes essentiels de la vie courante ou qui a besoin d’une surveillance quotidienne et régulière : personne handicapée, personne âgée, personne malade… Il peut s’agir d’un aidant professionnel ou d’un proche aidant. Les termes de proche aidant, d’aidant familial ou d’aidant naturel désignent les personnes venant en aide à une personne dépendante et/ou handicapée faisant partie de leur entourage proche ou que la personne a choisie. Cependant, les définitions et les statuts de ces « aidants » peinent à se mettre en place.

Si 62 % des salariés aidants jugent leur état de santé « bon » (vs 68 % pour l’ensemble des salariés), la réalité est plus nuancée. 43 % d’entre eux jugent leur état de santé mentale moyen ou mauvais (vs 34 % pour l’ensemble des salariés). 28 % se déclarent en situation de souffrances psychologiques (vs 19 % pour l’ensemble des salariés) et 34 % se sentent souvent à bout de force (vs 24 %). Enfin, un tiers des salariés aidants indique avoir des troubles de sommeil (vs 29 % pour l’ensemble des salariés) et 15 % sont en risque face aux pratiques addictives (vs 10 %). L’Observatoire met en lumière le cumul des vulnérabilités, phénomène amplifié par la crise sanitaire. D’une manière générale, les salariés aidants déclarent un nombre moyen de situations de fragilités d’origine personnelle supérieur à la moyenne : 2,6 en moyenne contre 0,8 pour l’ensemble des salariés. Les personnes âgées de 18 à 39 ans et celles qui vivent seules, avec ou sans enfant, sont les plus sensibles au cumul des fragilités.

La crise liée à l’épidémie de la Covid-19 a rendu la situation des salariés aidants encore plus complexe. 64 % d’entre eux estiment avoir rencontré des difficultés pour assurer leur rôle notamment pendant le confinement de mars 2020. La fermeture des établissements médico-sociaux et la réduction des services d’aides à domicile ont accentué l’isolement des personnes dépendantes avec pour conséquence une intensification de l’activité des aidants. Cette activité renforcée concerne notamment une surveillance plus importante (pour 79 % des aidants), une augmentation de la stimulation par des activités (78 %), un soutien moral plus important (70 %) et une prise en charge accrue des soins (56 %). Seuls 48 % des aidants déclarent être restés accompagnés par des infrastructures (soins, accueil…) pendant cette période. La crise a également amplifié certaines vulnérabilités. Ainsi 51 % des salariés aidants déclaraient souffrir d’isolement en mai 2021 contre 27 % en décembre 2020. De même, 48 % déclaraient une situation financière compliquée en mai 2021 contre 42 % fin 2020.

Ainsi, 68 % des salariés aidants indiquent vivre au moins une situation de fragilité personnelle (vs 52 % des salariés). Il s’agit en premier lieu de difficultés financières (42 % vs 27 % pour l’ensemble des salariés), de souffrances psychologiques (28 % vs 19 %) et d’isolement social (27 % vs 18 %). Les aidants sont également plus vulnérables dans la sphère professionnelle. 54 % se disent épuisés professionnellement (vs 49 % pour l’ensemble des salariés) et 49 % stressés au travail (vs 39 %). Ils sont également davantage inquiets à l’idée de perdre leur emploi : 44 % des salariés aidants contre 30 % pour l’ensemble des salariés. Ces chiffres illustrent l’enjeu que représente cette situation pour les salariés, dont la carrière fait souvent office de variable d’ajustement, et pour les entreprises, en termes d’absentéisme notamment. 21 % des salariés aidants estiment être accompagnés par leur entreprise et 41 % pensent qu’elle devrait le faire de manière prioritaire. Cette attente est plus marquée chez les salariés âgés de 40 ans et plus (46 %) et chez les managers (44 %). Leurs attentes portent notamment sur la mise en place de formations destinées aux managers pour détecter les fragilités (72 %), et d’actions pour encourager les salariés concernés à partager leur situation (65 %). Ces derniers hésitent encore en effet à parler de leur situation par peur d’être stigmatisés (pour 42 % d’entre eux) ou d’être pénalisés en termes d’évolution professionnelle (41 %). Et ceci, alors même que le travail est un élément positif dans la vie des salariés aidants qui, en dépit des difficultés liées à ce statut, se déclarent très engagés dans leur vie professionnelle (63 %). La vie d’aidant, même si elle est faite d’amour pour son proche, se révèle être un chemin de croix dans la vie professionnelle.

“Personne ne se lasse d’être aidé. L’aide est un acte conforme à la nature. Ne te lasse jamais d’en recevoir ni d’en apporter.” Marc Aurèle

Nou artrouv’

David Gauvin

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