« Squid Game » : la face obscure du capitalisme révélée

11 octobre 2021, par David Gauvin

Cette série sud-coréenne est en passe de devenir le plus gros succès de l’histoire de Netflix. Basé sur une dystopie dans laquelle des pauvres s’affrontent dans des jeux pour survivre, son scénario s’appuie sur la réalité d’une société de plus en plus inégalitaire.

Si vous n’avez pas encore entendu parler de « Squid Game », retenez le nom de cette série sud-coréenne. Elle est en train de devenir le plus gros succès de l’histoire de Netflix et déjà la plus visionnée dans de nombreux pays, à peine un mois après sa sortie. Le scénario : des personnes marginales ou surendettées doivent s’affronter dans des jeux enfantins, comme « 1,2,3 Soleil », pour tenter de gagner une énorme récompense. Les perdants, en revanche, sont tout simplement assassinés au fur et à mesure. « 1,2,3 Soleil » se dit d’ailleurs en coréen : la fleur de Mungunghwa (hibiscus) s’épanouit. La dite fleur étant le symbole de la résistance de la Corée contre les envahisseurs.

Si la série, sombre et ultra-violente, est une dystopie, « sa toile de fond repose sur les inégalités de richesses bien réelles de la société sud-coréenne », analyse « The Guardian ». Symbole de la progression des inégalités, l’endettement des ménages a grimpé rapidement, au point de représenter aujourd’hui 100 % du PIB, un fait unique en Asie. « Le nombre de personnes étranglées par leurs dettes ne cesse de grossir, dans un pays où il est aussi facile d’obtenir un prêt que de commander un café », souligne le quotidien britannique. La prétendue réussite de la Corée du Sud a été obtenue grâce à une politique opposée au modèle proposé par la Banque mondiale. A l’instar du film sud-coréen multi primé « Parasite », « Squid Game » illustre « le fossé grandissant » entre riches et pauvres dans le pays, « exacerbé par la montée du chômage des jeunes et des prix de l’immobilier dans les grandes villes inaccessibles aux travailleurs ordinaires ». Les thèmes abordés renvoient « aux failles du capitalisme à la sauce sud-coréenne », note « The Guardian » : « Comme dans la série, un incident de parcours, un mauvais investissement ou simplement la poisse peuvent plonger n’importe qui dans une spirale de surendettement ».

Loin d’une accumulation vertueuse reposant sur les bienfaits du marché libre, le développement économique de la Corée du Sud a été permis par « une accumulation primitive brutale reposant sur les méthodes les plus coercitives pour fabriquer la ‘‘vertu’’ par la force » (J-P. Peemans). La Corée a atteint les résultats que l’on connaît sous le joug d’un régime dictatorial et particulièrement répressif protégé par les États-Unis dans le contexte de la lutte contre les régimes dits socialistes. La Corée a adopté un modèle productiviste particulièrement peu respectueux de l’environnement. La voie coréenne n’est ni recommandable ni reproductible. Ajoutons que la pauvreté en ressources naturelles a paradoxalement favorisé le développement de la Corée du Sud, car le pays a évité la convoitise des transnationales et celle des États-Unis. Ceux-ci considéraient la Corée comme une zone stratégique du point de vue militaire face au bloc dit communiste, pas comme une source cruciale d’approvisionnement (ce qui est le cas du Venezuela, du Mexique ou des pays du Golfe persique). Si la Corée avait été dotée de fortes réserves de pétrole ou d’autres matières premières stratégiques, elle aurait été considérée comme une zone d’approvisionnement et n’aurait pas bénéficié de la même marge de manœuvre pour se doter d’un puissant appareil industriel. Les États-Unis ne sont pas prêts à favoriser délibérément l’émergence de concurrents puissants dotés à la fois de grandes réserves naturelles et d’industries diversifiées.

En 2019, l’agence de presse DPKR (nord-coréenne) analysait le film oscarisé « parasite » en ces termes. « Ce film populaire en Corée du Sud démontre que le capitalisme crée une société corrompue et malade où les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent et que c’est une société où il n’y a ni espoir ni avenir », a indiqué l’organe de presse. Il a expliqué que « le film compare une famille pauvre, qui habite dans un demi-sous-sol, dont aucun membre n’a de travail, à une famille riche vivant dans une maison somptueuse, pour montrer les pauvres qui font tout pour gagner leur vie et les riches qui ne respectent même pas les règles de politesse fondamentales ». « Aujourd’hui, à cause de l’inhumanité de la société capitaliste et de l’aggravation de la crise économique, 16,5 % de la population sud-coréenne souffrent de pauvreté absolue et le revenu des riches est 59 fois plus élevé que celui des pauvres », a-t-il ajouté. Cette société minée par les inégalités et l’endettement privé créera à terme une société de calamar sans tête, « squid » en anglais…

« La pauvreté est le produit du système capitaliste » Joseph H. Chung

Nou artrouv’

David Gauvin

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