Touzour atèr ?

19 août 2005

Il n’y a pas de sujet tabou. Et le rôle d’un journal comme “Témoignages” - précisément - est d’aborder les “non-dits” en faisant faire vivre la libre expression que la société dominante s’acharne à étouffer.
Difficile en effet de passer sous silence ce cri que nous font entendre de plus en plus de Réunionnais. Souvent à l’écart de toute responsabilité, ils voient grandir chez eux le sentiment d’être “étrangers” dans leur propre pays. Un sentiment traduit par l’expression : "Kaf lé touzour a tèr isi La-Rénion". Expression qui nous ramène - sans remonter plus loin dans l’Histoire - à cette déclaration d’un chef de l’administration dans les années 60 : "blancs ou noirs, tous les Réunionnais sont des nègres !".
Surtout s’il est pauvre et non blanc, le Réunionnais sent qu’il est “bordé”, rejeté, mis de côté dans l’accès à l’emploi, aux responsabilités, aux terrains constructibles. Son pouvoir de décision est très limité. Et sa place dans la société est à l’image de celle qu’on lui donne dans les médias : le plus souvent, il est présenté comme un délinquant, un paresseux, un assisté agressif... Des images négatives qui font fi des capacités de pensée des Réunionnais, de leurs richesses culturelles, de leur esprit de résistance. Tout cela semble ne pas compter.
C’est toujours “l’autre” qui est mis en avant, qui a la parole, qui coupe et qui tranche, qu’il soit à Paris ou ici. Et ce n’est pas le fait de présenter des exceptions à cette règle qui y changera quelque chose. Les exemples de “réussite sociale” ne sont là que pour cautionner un système qui trouve ses complices parmi les natifs.
Dans un tel contexte, on comprend d’autant plus l’urgence qu’aboutisse enfin le projet de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise. Et pourquoi il est important de nous entendre sur un projet réunionnais de développement durable et solidaire.

L. B.


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