’Un contrat d’esclavage’

4 avril 2006

En général, il vaut mieux éviter les amalgames, comme par exemple laisser croire que la situation et les conditions de vie d’un jeune signant un Contrat première embauche (CPE) seraient identiques à celles de nos ancêtres ayant connu le statut d’esclaves. Non, ce serait exagéré, car la loi ne qualifierait pas de "meuble" un jeune en CPE, comme c’était le cas pour les victimes de la traite négrière.
Ceci dit, le CPE n’en n’est pas moins inacceptable. Et il est intéressant, surtout pour des citoyens d’une ex-colonie qui a subi pendant la plus grande partie de son histoire le système esclavagiste puis l’engagisme, de lire l’argumentaire anti-CPE de Jacques Bidet, professeur émérite à l’Université Paris-X. (1) Car pour lui, c’est clair : le CPE n’est "rien moins qu’un contrat d’esclavage". Pourquoi ?
Voici la réponse de l’universitaire : "La dépendance du serviteur d’autrefois tenait à ce qu’il ne pouvait changer de maître. La dépendance d’aujourd’hui, celle qu’introduit typiquement le CPE, tient à ce que le maître peut, à son gré, changer de serviteur, là où l’angoisse est de ne pas retrouver de travail. Et c’est ainsi que le salarié redevient un serviteur. Ou plutôt, dans ces temps modernes, il devient une machine".
En effet, ajoute Jacques Bidet, avec le CPE, "l’employeur dispose - pour un temps du moins - de son employé comme d’une chose, comme d’une machine, comme d’un élément de son patrimoine dont il peut à son gré se dessaisir".
Et de conclure : "la révolte d’aujourd’hui vient en vague après celle des banlieues. Elle procède d’un même refus de l’arbitraire : discrimination ou dépendance".

L. B.

Voir “l’Humanité” du 21 mars 2006. Le dernier livre de Jacques Bidet est intitulé “Explication et reconstruction du capital” (PUF).


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