Un parfum persistant de colonialisme

4 avril 2011, par Geoffroy Géraud-Legros

Marie-Luce Penchard était attendue à Mayotte jeudi dernier. En sa qualité de ministre de l’Outre-Mer, elle devait assister aux célébrations organisées pour la transformation du statut de l’île de Mayotte, qui devient le 101eme département de la République. Or, Mme Penchard a brutalement changé d’itinéraire : elle a finalement débarqué à La Réunion, où elle a passé trois jours, avant de se rendre finalement dans l’Ile aux Parfums.
La ministre n’a pas été arrêtée dans sa course par un cyclone ou une éruption volcanique ; ce n’est pas, non plus, une quelconque raison d’ordre personnel qui l’a empêchée de participer à un évènement attendu de longue date par la population mahoraise.
La cause de cette mise entre parenthèse d’un important voyage protocolaire réside dans une manœuvre mineure – et, dit-on volontiers à Mayotte, minable - de l’UMP mahoraise, dont les représentants ont décidé de ne pas se montrer à l’assemblée plénière d’un Conseil général que les élections venaient de faire basculer dans le camp progressiste.

L’opération avait pour objet de faire capoter, faute de quorum, cette première session post-électorale. Mission accomplie… qui ne laissera d’autre empreinte dans l’histoire que celle d’une posture passablement mesquine et jusqu’au-boutiste et, comme on dit chez nous, "grokèr" des représentants de l’UMP et de ses satellites. Grokèr, et inutile, car au final, un nouveau Président a été élu à la tête du Conseil général.
Reste que tout est loin d’être clair dans cette affaire, et que les motivations de l’UMP demeurent toujours mystérieuses. Une question en amenant une autre, on ne peut que s’interroger sur le rôle joué par Marie-Luce Penchard dans cette affaire. Si la seule désertion du conseil général par les élus UMP a suffi à dissuader une membre du Gouvernement d’accomplir sa mission, on ne peut que blâmer sa légèreté et son manque d’esprit de décision. On peut, accessoirement, se demander qui conseille Mme Penchard, qui a tout de même accumulé un nombre inquiétant de bourdes et de ratages depuis sa nomination en 2009.

Une autre hypothèse vient à l’esprit : celle de la collusion entre l’exécutif et l’UMP locale, qui espérait peut-être, par des manœuvres de couloir, retourner la situation et conserver la majorité. En pareil cas, l’absence de la ministre et le flop de la cérémonie auront participé d’une de ces innombrables magouilles à la sauce françafricaine dont l’archipel est le théâtre depuis plus de 30ans.
Reste que Marie-Luce Penchard s’est bien rendue à Mayotte, et que les célébrations ont eu lieu comme prévu ; ne demeurent des péripéties qui les ont précédées que l’image désinvolte d’une ministre de l’Outremer - dont l’agenda semble si vide qu’elle peut se permettre d’aller « bat karé » trois jours à La Réunion -, la honte qui éclabousse l’UMP mahoraise... et un parfum persistant de colonialisme.

G.-G.-L.


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