De 4,5 euros à 8 euros en trois mois

+87,5% : le tube de dentifrice fait grincer des dents

8 mars 2005

Deux pharmacies, deux prix très différents pour un même produit. D’après un pharmacien, la différence viendrait du circuit d’approvisionnement : avec ou sans grossiste.

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De 4,5 euros en décembre 2004 à 8 euros en février 2005. Prenez votre calculette : il s’agit d’une augmentation de 87,5% en trois mois, assénée à un simple tube de Parogencyl. Ce dentifrice, prescrit à l’un de nos lecteurs tamponnais par son dentiste, n’est pas remboursé. Une chance pour notre chère “Sécu”, qui n’aura pas à subir les conséquences de cette augmentation.
En comparant les prix sur les deux boîtes parfaitement identiques, mais achetées chez deux pharmaciens différents, notre lecteur a failli en avaler ses dents. “Spéculation”, a-t-il accusé.
L’explication est plus nuancée. D’après un pharmacien tamponnais que nous avons contacté par téléphone, cette différence de prix peut s’expliquer par une différence de fournisseur. "Le Parogencyl n’est pas un médicament ; c’est un dentifrice. Comme j’en vends très peu, je me fournis chez l’un des trois grossistes réunionnais". Le professionnel cite un prix hors taxes de 4,35 euros par tube.

"Une erreur"

"Il est possible, poursuit le pharmacien, que le premier tube ait été acheté dans une pharmacie qui achète directement les produits en Métropole". Auquel cas, le pharmacien réunionnais a pris une marge bénéficiaire de 15 centimes, ce qui semble fort peu, mais qui explique le prix peu élevé.
Selon notre lecteur, le deuxième tube a été acheté dans une autre pharmacie. Selon toute vraisemblance, celle-ci se fournit chez un grossiste réunionnais, qui a déjà appliqué un coefficient multiplicateur de 1,3. Ce qui a déjà fait passer le prix de 4,35 à 5,65 euros. Le pharmacien détaillant doit, lui aussi, prendre une marge bénéficiaire (sinon, son commerce ne survivrait pas) de 1,3% : on arrive à 7,34 euros.
Comment expliquer alors l’étiquette de 8 euros ? "Une erreur", suppose le pharmacien que nous avons interrogé. Ou tout simplement un arrondi - plus que complaisant - à l’euro supérieur, pour faire un compte rond et encaisser quelques centimes de plus.
Cette mécanique, parfaitement légale, ne fonctionne pas pour les médicaments remboursés, dont les prix sont fixés officiellement. Mais pour les produits de parapharmacie (hygiène, beauté, etc), les prix sont libres.

Comparer les prix avant d’acheter

Et si tous les pharmaciens pratiquaient le même prix pour ces produits, "cela signifierait qu’il n’y a pas de réelle concurrence, mais une entente sur les prix", expliquait le pharmacien interrogé. Nous autres patients avons donc intérêt à nous rendre dans une pharmacie comme dans n’importe quel autre commerce : en comparant les prix avant d’acheter.
Une question subsidiaire se pose : si un dentifrice censé lutter contre les gingivites est prescrit par un dentiste, on suppose qu’il est efficace. Dans ce cas, pourquoi n’est-il pas remboursé comme un médicament, avec un prix fixé par les autorités ?
Et si ce dentifrice n’a pas le sérieux d’un médicament, pourquoi est-il prescrit dans le cadre d’une consultation ? On entre là dans le domaine des produits dont l’efficacité est reconnue, ou en tout cas proclamée par les arguments commerciaux, mais qui ne sont pas considérés comme de vrais médicaments. Le champ est libre pour de larges bénéfices.

Nastassia


Des bénéfices colossaux grâce à la protection sociale

La petite, toute petite, culbute de prix du tube de Parogencyl (lire ci-dessus) n’est qu’une partie émergée de l’immense iceberg du fonctionnement des laboratoires pharmaceutiques. Le hasard a voulu qu’une dépêche d’agence annonçait, le 1er mars dernier, un bénéfice de 5,247 milliards d’euros pour le géant de la pharmacie Sanofi-Aventis, le fabricant du Parogencyl.
Ce groupe, qui emploie 96.400 personnes, est le troisième groupe pharmaceutique mondial derrière l’américain Pfizer et le britannique GlaxoSmithKline. Lors de la présentation de ses résultats annuels à Paris, Sanofi-Aventis a annoncé qu’il déposera au deuxième trimestre 2005 une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour son médicament contre l’arythmie cardiaque Dronédarone. Ce n’est qu’après avoir obtenu l’AMM, que le groupe pourra vendre son nouveau médicament, qui sera alors remboursé par la Sécurité sociale.
Selon le directeur financier du groupe, les frais de recherche et de développement de Sanofi-Aventis s’élèvent à 15,6% du chiffre d’affaires. Un taux élevé qui justifie le coût des médicaments modernes, mais qui n’empêche pas le groupe d’annoncer pour 2005 une hausse de son bénéfice net par action, de 18% en 2005 (prévision) comme en 2004.

Le patient serre les dents et la ceinture

La fabrication de médicaments nécessite des budgets gigantesques. Mais grâce au niveau de vie des pays riches et à leurs systèmes de protection sociale (dont notre “sécu”), ces médicaments génèrent des bénéfices colossaux, qui vont dans les poches d’actionnaires déjà fortunés. Sans protection sociale, pas de bénéfices pour l’industrie pharmaceutique.
Et lorsqu’un tube de dentifrice est vendu 8 euros au lieu de 4,5, il participe à ces bénéfices. Pharmacien et grossiste ont pris leur part ; le laboratoire n’a pas oublié la sienne. Mais lorsque la “sécu” tombe malade de trop payer, il n’y en a qu’un qui doit se serrer la ceinture et serrer les dents : le patient.


Nouvelle journée d’actions des opposants à la convention médicale

Les médecins généralistes et les internes opposés à la convention médicale, qui a instauré le dispositif du médecin “traitant”, ne désarment pas et ont organisé samedi une journée d’actions et de manifestations régionales.

La convention médicale - signée par trois syndicats de médecins libéraux (CSMF, SML, Alliance) et l’assurance maladie le 12 janvier - prévoit que, d’ici au 1er juillet, chaque assuré de plus de 16 ans choisisse un “médecin traitant” qu’il devra consulter avant d’aller voir un spécialiste, sous peine d’un moindre remboursement et de dépassements d’honoraires.
Mais pour ses opposants, le syndicat de généralistes MG-France en tête, cette convention qui accorde en théorie aux généralistes un rôle pivot dans le nouveau parcours de soins, ne leur donne absolument pas les moyens de l’assumer et n’aboutit, en fait, qu’à revaloriser les honoraires des spécialistes.
"La convention n’est pas attractive : le risque, c’est la baisse du nombre de médecins généralistes de proximité dans les villes, les quartiers, les campagnes", a expliqué le Dr Pierre Costes, le président de MG-France.
Le 22 janvier, MG-France, lançant un mot d’ordre de fermeture des cabinets, avait participé, avec les internes, à une “marche de protestation” à Paris qui avait rassemblé plusieurs milliers d’entre eux selon les organisateurs.
Samedi dernier, l’action était placée sous le signe de la sensibilisation des élus.
"Nous allons rencontrer ou faire parvenir un dossier à tous les élus dans les 36.000 communes pour leur faire toucher du doigt les conséquences de la politique désastreuse, pour le soin, du ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy à travers une convention qui déforme la réforme" de l’assurance maladie, a ajouté M. Costes.
Des délégations de MG-France ont notamment pris rendez-vous "samedi avec le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc, de Paris Bertrand Delanoë, de Nantes Jean-Marc Ayrault, avec le président de l’Association des maires de France Jacques Pelissard et ce vendredi avec le maire de Tulle François Hollande", a-t-il précisé.
Des conférences de presse auront lieu avec les maires de petites communes sans médecins.
De son côté, le syndicat des internes, l’Isnar-IMG, avait décidé des manifestations ou rassemblements dans plusieurs villes comme Nantes, Nancy, Orléans, Lyon, Montpellier, Toulouse.
MG-France réitère également auprès de ses confrères son appel à ne pas accepter de remplir les formulaires de déclaration du médecin “traitant”, que l’assuré doit renvoyer à sa caisse d’assurance maladie après accord et signature du médecin choisi.
Les opposants à la réforme ne désarment donc pas, alors que le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy se félicite de son côté du retour de "deux millions" de formulaires fin février. Un chiffre à rapporter, à cette date, à l’envoi de 24 millions de formulaires (soit deux vagues d’envois) par l’assurance maladie.
Celle-ci table sur un objectif de 40% des 38 millions (soit 15,2 M) d’assurés du régime général ayant choisi un médecin traitant au 1er juillet.
Par ailleurs, la semaine dernière, dix médecins généralistes ont déposé un recours devant le Conseil d’État contre la déclaration de choix du médecin traitant, qu’ils jugent "non conforme aux règles du droit".
MG-France devrait, lui, introduire un "recours en annulation" de la nouvelle convention médicale auprès du Conseil d’État vers la mi-mars.


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