Visite officielle : François Baroin à La Réunion

À quand la prise en compte de la situation exceptionnelle ?

23 février 2006

Dès son arrivée à La Réunion hier, François Baroin, ministre de l’Outre-mer, a rendu visite à la famille de la petite Tricia Nalem, 9 ans, décédée lundi d’une méningo-encephalite après avoir déclaré un chikungunya (voir encadré). Contrairement à ce qu’avait affirmé Léon Bertrand, ministre du tourisme, en visite dans l’île lundi, il n’a pas annoncé le montant du fonds de compensation qui servira à soutenir financièrement les entreprises, notamment celles du secteur touristique, mises en difficulté par l’épidémie de chikungunya. Les acteurs économiques sont déçus. Il a annoncé que le Premier ministre Dominique de Villepin arrivera dimanche matin pour une visite officielle de 48 heures.

À sa descente d’avion hier matin, François Baroin, ministre de l’Outre-mer, s’est immédiatement rendu à Saint-Benoît en hélicoptère. Il est allé saluer la famille de la petite Tricia Nalem, 9 ans, décédée lundi d’une méningo-encephalite après avoir déclaré un chikungunya. Une visite qui ne laissera pas de bons souvenirs à la famille Nalem, selon Gilbert Ramin (voir encadré) .
Lors du point presse qu’il a tenu plus tard, le ministre a été interrogé sur la prise en compte tardive de l’ampleur de la maladie par l’État. "Il faut restaurer la confiance et ne pas prendre le chemin de la polémique", a-t-il déclaré. Répondant ensuite à une question sur sa déclaration faite en janvier dernier ("le chikungunya est une grande grippe"), il a noté, "je ne suis pas médecin, en toute logique je fais confiance aux observations des plus hautes autorités médicales qui se sont basées sur des symptômes connus".

Les mesures annoncées

François Baroin, s’est ensuite rendu au centre hospitalier départemental de Bellepierre. Il a visité le service de médecine de crise. Créé il y a 5 semaines pour faire face à l’afflux de malades atteints du chikungunya, il compte 19 lits essentiellement occupés par des personnes âgées.
Dans l’après-midi, François Baroin a assisté à une opération de démoustication menée par l’armée dans le quartier de la Source et par des emplois verts à Bellepierre (Saint-Denis). Il s’est ensuite rendu au Conseil régional pour participer à une réunion avec les acteurs économiques.
Dès le début de la réunion, plusieurs d’entre eux en effet, n’ont pas caché leur colère lors de leur rencontre avec le ministre au Conseil régional. Ils avaient eu le temps de préparer leur riposte puisque dans une interview au "Journal de l’île" paru le matin même, François Baroin, rendait public les mesures prises par le gouvernement pour venir en aide à l’économie locale "sinistrée par la catastrophe sanitaire du chikungunya", selon l’expression de Paul Vergès, président du Conseil régional.
Estimant que "la crise sanitaire est susceptible d’impacter l’économie réunionnaise", François Baroin annonçait dans les colonnes du journal, la mise en place d’un observatoire économique chargé d’évaluer précisément l’impact de l’épidémie, des moratoires pour les dettes fiscales, sociales des entreprises, la prise en charge à hauteur de 50% des salaires en cas de chômage technique ou partiel, la mobilisation du FISAC (Fonds d’intervention et de sauvegarde de l’artisanat et du commerce).

"Bien en dessous de que nous attendions"

Or, déplorait, notamment, Jocelyne Lauret, présidente du comité du tourisme, "ces mesures sont bien en dessous de que nous attendions. Elles ne tiennent pas compte des propositions que tous les professionnels ont transmis au gouvernement que le ministre du tourisme avait acté lors de son passage dans l’île". Giraud Payet, président de la Chambre de métiers et de l’artisanat, remarquait pour sa part, "ce que l’on nous propose n’est que l’application de mesures existantes et normales dans la vie d’une entreprise. Or nous sommes dans une situation exceptionnelle et cela n’est pas pris en compte".
Faisant référence aux mesures annoncées en métropole pour protéger les élevages de volailles de la grippe aviaire, Jocelyne Lauret, présidente du comité du tourisme a déclaré "alors qu’il y a eu des morts, qu’un Réunionnais sur sept est frappé par la maladie, nous pourrions avoir le sentiment que les poulets sont plus importants à protéger que les Réunionnais". Dans sa réponse François, Baroin dira plus tard lors de son discours de clôture , "je peux comprendre que l’on ait recours au poids des formules, j’y verse parfois moi-même, mais je n’accepte pas la comparaison avec les poulets. Elle me choque et elle ne fait pas avancer les choses".
Après Jocelyne Lauret, plusieurs autres participants prenaient la parole pour exprimer le même sentiment qu’elle de manière plus ou moins virulente. Certains demandaient que La Réunion soit classée zone sinistrée par une catastrophe naturelle.

"Écarter le désarroi et la confusion"

Paul Vergès s’attachait à calmer les esprits en remarquant "mon opinion est que les 10 mois que nous avons perdus avant que l’ampleur de l’épidémie soit prise en compte sont irréparables. Mais une fois que j’ai fait ce constat, quelle aura été ma contribution à la lutte contre la maladie et contre ses conséquences" notamment du point de vue économique. Le président du conseil régional appelait à "écarter le désarroi et la confusion" afin que toutes les énergies "du plus haut niveau de l’État au simple citoyen" convergent vers la lutte pour sortir de la crise.
"Je respecte tous les messages que j’ai entendus car ils expriment ce que les Réunionnais vivent, certains sont en deuil, d’autres souffrent", disait François Baroin en préambule de sa réponse aux différents intervenants. Puis rappelant que "nous sommes au cœur de la gestion d’une situation de crise sanitaire majeure engendrant une catastrophe économique", le ministre disait ne pas vouloir s’engager sur le terrain de la polémique "car ce n’est pas la polémique qui tuera le moustique ou qui redressera l’économie".

Le Premier ministre en visite

En retrait par rapport à l’annonce du ministre du tourisme, Il confirmait la mise en place du fonds de compensation, mais expliquait ne pas pouvoir indiquer son montant car il n’est pas encore possible de déterminer ce que la crise coûtera aux entreprises. François Baroin notait ensuite que l’action du gouvernement pour lutter contre la maladie porterait sur trois axes principaux. Une communication accrue sur la nécessité de se protéger individuellement et collectivement contre les moustiques. La mise à disposition de tous les moyens humains (urgentistes, armée etc) et matériels pour venir à bout de la maladie. La mise en œuvre de tous les moyens de recherche afin de trouver un médicament et un vaccin contre le virus.
Enfin, François Baroin a annoncé que le Premier ministre Dominique de Villepin arrivera dimanche matin pour une visite officielle de 48 heures.


La famille de Tricia déçue

Hier matin, la famille Nalem a reçu la visite du ministre de l’Outre-mer, du préfet de La Réunion, du sous-préfet de Saint-Benoît et de l’épouse du député-maire bénédictin. Après le départ de ces personnalités, Gilbert Ramin a été reçu par la famille de la jeune Tricia, 10 ans, décédée lundi ; famille à laquelle il a présenté les condoléances du Parti communiste réunionnais et de “Témoignages”.
Puis il a parlé avec Tatiana, à Prisca et à Cathy, les 3 sœurs de Tricia, et avec M. Ringou, le papa de la défunte. Selon Gilbert Ramin, les 3 jeunes filles lui ont dit ceci : "Le ministre nous a présenté ses condoléances et ensuite il nous a conseillé de quitter notre logement car pour maman ce sera mieux, d’après lui. Comme ça, maman ne verra plus Tricia toute la journée dans la maison, dit-il. C’est parler pour ne rien dire. Le mieux pour lui aurait été de nous présenter simplement ses condoléances et de repartir parce que là il nous a prouvé qu’il n’avait vraiment rien à nous dire. Il nous a juste promis d’aller voir du côté de l’hôpital de Bellepierre, parce qu’on nous a menti. Il propose de nous réunir avec les docteurs pour discuter, pour savoir comment cela s’est aggravé".
Gilbert Ramin cite également Tatiana qui demande : "Pourquoi faut-il 1 mois pour avoir les résultats des analyses ?". Ainsi que le père qui pose la question : "Si le ministre était piqué en arrivant en métropole, quelle serait la réaction du gouvernement ?".
"Le ministre, le préfet, ces paroles, cela ne nous ramènera pas notre petite sœur",
dit Prisca, citée par Gilbert Ramin, qui signale que vendredi, la famille Nalem aura la visite du maire de Saint-Benoît.


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