Lutte contre la leptospirose

Absence de cohésion et risque d’inertie

17 août 2006

Selon l’Institut Pasteur, notre île est une région à endémie élevée, avec 80 cas de leptospirose détectés en 2005, 43 cas depuis le début de l’année 2006 et 7 décès.
La précipitation mise par la Préfecture à désigner, dans l’arrêté sanitaire du 4 août, les collectivités locales comme seules responsables publiques dans la lutte ne risque-t-elle pas d’avoir l’effet inverse à celui recherché ? Une inertie favorisée à la fois par l’éclatement de la lutte et un conflit de compétence né de la faiblesse des moyens laissés aux communes.

Compétences en matière de dératisation

La Préfecture invite à plus "d’allant et d’élan"

La recrudescence des cas de leptospirose constitue une autre menace de santé publique pour La Réunion. Selon les données arrêtées par la Préfecture le 8 août, 43 cas ont été recensés depuis le début de l’année et 7 décès sont à déplorer. L’arrêté sanitaire départemental de lutte contre les rats, pris par la Préfecture le 4 août, rappelle aux acteurs compétents leurs responsabilités en matière de dératisation et incite à plus "d’allant et d’élan" en matière de salubrité publique.

Selon Franck Olivier Lachaud, secrétaire général de la Préfecture, aux mois de mai-juin, les autorités redoutaient le développement de la menace leptospirose. L’augmentation des cas en juillet a confirmé ce "pressentiment."

La Préfecture édicte les règles

Selon les textes officiels relatifs aux actions de santé publique, le préfet est celui qui édicte le règlement sanitaire départemental. Il incombe ensuite aux différents acteurs concernés de respecter les mesures énoncées et dans le cas de la leptospirose d’engager la lutte contre les rongeurs et les rats. L’arrêté préfectoral du 4 août n’est là que pour rappeler à leurs responsabilités les propriétaires privés, les bailleurs sociaux et les communes. Tenus d’appliquer les règles sanitaires départementales, de veiller à la salubrité publique, les maires doivent engager des opérations de dératisation au niveau de leurs propres bâtiments, mais aussi des infrastructures collectives (desserte d’eau, station d’épuration...) Le rôle de la Préfecture se limite au rappel de la loi. Qu’il s’agisse de la pause de pièges ou de l’utilisation de poison, Franck Olivier Lachaud estime que les opérations de dératisation sont "assez peu coûteuses" et donc à la portée des Mairies qui, si besoin, pourront mettre en demeure les autres acteurs concernés sur leur commune de respecter leurs obligations de lutte. "Une des dispositions importantes de l’arrêté est de permettre aux maires d’exécuter d’office les travaux nécessaires en faisant payer ceux qui y sont tenus et qui ne les engageraient pas", précise le préfet par intérim qui parle d’un élément dissuasif plutôt efficace qui incite à plus "d’allant et d’élan."

Il manque des lieux de compostage

Le Conseil Général n’a quant à lui pas de responsabilité en matière de salubrité publique, "il intervient au niveau des zones agricoles, plus sous l’angle des cultures." Franck Olivier Lachaud souligne néanmoins que le prochain Plan départemental des déchets prévoit la mise en place de nouveaux lieux de compostages qui n’ont pas encore été réalisés. La population est invitée à ne pas "laisser s’entasser les déchets", mais il reste encore à développer le tri sélectif et à mieux organiser la chaîne de gestion des déchets. Les principaux enjeux restent la mobilisation communautaire et le respect de la salubrité publique, afin d’éliminer les lieux de concentration des rats comme des moustiques. Chikungunya et leptospirose, même combat, mais selon le secrétaire général, le service de prophylaxie n’a pas vocation à étendre ses compétences vers des opérations de dératisation. "On ne peut pas tout mélanger. L’architecture juridique et les techniques sont différentes, on s’efforce déjà de rendre le service de prophalxie efficace." Tout le monde peut agir à son niveau, individuellement, pour renforcer une véritable "culture de la dératisation", et Franck Olivier Lachaud estime que c’est d’ailleurs "assez déresponsabilisant de dire qu’un service fait tout. Comme le précise le protocole, il y a un travail communautaire à faire. On ne peut pas se décharger de ses responsabilités."
Enfin, sur le volet communication, la Préfecture ne prévoit aucune opération particulière, n’envisage la création d’aucun document propre. L’arrêté sanitaire départemental de lutte contre les rats a été transmis aux Mairies, agences immobilières, à l’ADIL. Le livret vert de la DRASS, édité au niveau national, suffisamment complet, sera ré-imprimé.

Stéphanie Longeras
[email protected]


La leptospirose en chiffres

Recrudescence inquiétante

À titre comparatif, la Préfecture nous a livré quelques chiffres relatifs aux cas de leptospirose recensés les années passées. 2005 : 39 cas, aucun décès. 2004 : 46 cas, 1 décès. 2003 : 2 décès. 2001 : 26 cas. En clair, en 8 mois, La Réunion compte autant de cas que sur 12 mois pour les années passées. Aucun découpage par territoire n’est réalisé. La Préfecture précise que toutes les zones de l’île sont touchées sans distinction.

En savoir plus sur la maladie
La leptospirose est une zoonose, c’est-à-dire une maladie des animaux transmissible à l’homme, due à la bactérie Leptospira interrogans, dont il existe 80 variétés. Ses principaux réservoirs sont les rongeurs, en particulier les rats, qui excrètent la bactérie dans les urines. Les bovins sont aussi réservoirs de la maladie. Les leptospiroses se maintiennent assez facilement dans le milieu extérieur (eau douce, sols boueux) ce qui favorise la contamination. Bien que souvent bénigne, la maladie peut cependant être sévère et touche environ 300 personnes en France chaque année. Elle se retrouve dans toutes les régions du monde.

L’incubation dure de 4 à 14 jours
De nombreuses formes cliniques sont décrites, mais l’atteinte rénale reste une caractéristique majeure. La maladie débute par une fièvre élevée avec frissons, maux de tête, douleurs musculaires et articulaires diffuses. Elle peut évoluer vers une atteinte rénale, hépatique, pulmonaire, un syndrome méningé et dans 20% des cas, un syndrome hémorragique. Les formes graves associent insuffisance rénale aiguë, atteinte neurologique (convulsions, coma) et des hémorragies, pulmonaires ou digestives, plus ou moins sévères. La convalescence est longue, mais généralement sans séquelle. La mortalité peut atteindre 5% des cas. Des complications oculaires tardives peuvent survenir. Le diagnostic peut être confirmé par culture, par amplification génique ou par sérologie.

Le traitement des formes graves nécessite une hospitalisation
Il repose sur la réanimation médicale et l’administration d’antibiotiques (pénicilline G, amoxicilline) le plus tôt possible afin de diminuer le risque de complication et la durée des incidences rénales. Pour la prévention, les mesures de lutte collective basées sur la dératisation, le contrôle des effluents des élevages industriels, le drainage des zones inondées seraient efficaces mais difficiles à mettre en œuvre. Un vaccin humain, monovalent, est proposé en France uniquement aux travailleurs très exposés alors qu’un vaccin bivalent pour les chiens y est très largement utilisé.

S. L.


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