Traitement biologique aérien

’Alon nétoy tou sa in kou’

25 février 2006

À plusieurs reprises, la proposition d’un traitement biologique par voix aérienne a été soulevée aux autorités qui, en dépit d’arguments scientifiques probants, s’y refusent toujours. Pourtant, pour Nicolas Alaguirissamy, président du Syndicat des jeunes agriculteurs, c’est une grave erreur de ne pas envisager cette solution qui permettrait de traiter les fonds de ravines qui abritent des milliers de lieux de pontes dont on se désintéresse totalement, tout comme les habitants qui vivent à proximité.

"Il y a des milliers de gîtes larvaires dans les fonds de ravines dont personne ne s’occupe", maintient Nicolas Alaguirissamy, comme publiquement vendredi dernier, lors du débat au Conseil général. L’entomologiste martiniquais, André Yébaquima, a soutenu qu’il fallait se focaliser sur un traitement urbain et péri-urbain, pour lutter contre le vecteur dit domestique.

Les ravines oubliées

"Si j’ai bien compris, les experts déterminent 2 catégories de moustiques : un costard cravate des villes qui est le plus méchant, et un moustique des champs qui lui n’est pas dangereux. Je ne suis pas expert, je suis planteur, mais désolé, c’est le même moustique". Nicolas Alaguirissamy a convié l’entomologiste à le suivre sur le terrain pour vérifier ses propos, mais c’est l’équipe de TF1 qui, dès le lendemain, a relevé l’invitation. Elle a pu effectivement observer, non sans crainte, la multiplicité des lieux de pontes dans le fond de la Ravine des Cafres à Saint-Pierre, mettant en danger les habitations alentour. L’agriculteur rappelle qu’il ne faut pas oublier que les Réunionnais, sans eau courante, sont venus s’installer aux bords des ravines pour puiser l’eau dans son fond avec un fer blanc sur la tête.
C’est encore le cas aujourd’hui, et les médias s’en sont fait l’écho dernièrement, de certains habitants des écarts de Saint-André qui réclament depuis des années à la commune un raccordement d’eau courante et qui continuent à vivre dans ces conditions précaires, particulièrement exposées au virus. "Et avec la pluie, le préfet n’est pas sorti de l’auberge. Ce sont des milliers de bassins qui se sont formés, autant de vecteurs et de malades potentiels, autant de molécules chimiques qui ont été déversées à la mer".

"De vrais experts ailleurs... "

"Il faut arrêter la démoustication chimique systématique comme c’est fait depuis la fin de l’année dernière", soutient Nicolas Alaguirissamy qui estime que le problème n’est pas pris à sa base, qu’"on est à coté de la plaque". Se référant aux expériences et avis de spécialistes étrangers du Canada, d’Asie, d’Amérique du Sud, de Suisse, "il faut utiliser le biologique en aérien à grande échelle et après seulement le chimique en traitement d’appoint sur les populations d’adultes concentrées". Il y a "de vrais experts ailleurs qui sont habitués au Vectoback et au Bti" et qui préconisent, pour le cas de La Réunion, de cibler les zones périphériques du littoral, des zones déterminées comme les creux de ravines, et de procéder à un épandage aérien de produit biologique à une hauteur de 600 à 650 mètres d’altitude en fonction des observations de terrain. En 2 jours, l’opération est réalisée, les œufs déposés sont immédiatement détruits, et la rémanence est de 6 mois, soutient Nicolas Alaguirissamy qui précise qu’en cas de pluie, cela ne pollue pas les lagons. "C’est un atout évident pour la protection de l’environnement".

Une dose de Bti dans chaque foyer

"En tant qu’agriculteur mais en premier lieu en tant que Réunionnais, je me demande vraiment pourquoi le préfet s’acharne à démoustiquer avec des produits toxiques dont l’efficacité n’est pas prouvée". Pour sa part, Nicolas Alaguirissamy traite son exploitation de Saint-Pierre au Bti.
Il en a fait venir 18 kilos pour 287 euros, utilisant entre 3 et 4 kilos de produit biologique pour traiter 1 hectare de terre. Il a également commandé des doses de 1 kilo pour en distribuer autour de lui, comme à cet exploitant des hauts du Grand Tampon qui, moindrement que sur la côte certes, n’est pas épargné par les colonies de moustiques. "Si l’on distribuait une dose à chaque foyer réunionnais, il n’y aurait plus de grosses colonies de moustiques", soutient l’agriculteur avec le sentiment que les autorités ne sont pas capables de gérer la situation, de faire les bons choix. "Na limpresion i ve lèss le pe d’moun a lagoni ziska na pu d’moustik. Zot i pri pou siklon i nétoy in kou". On est selon lui en train de créer "une société réunionnaise d’handicapés", à qui l’on dit qu’il faudra faire avec la maladie. Comme "rien n’a été fait plus tôt", aujourd’hui, avec les pluies de saison, le risque de propagation du virus est multiplié. "Alon nétoy tou sa in kou, mèm si nou na pwin le pwa politik".

Estéfani


An plis ke sa

o "Nou sé d’bèf moka"
Les experts qui se prononcent sur la toxicité des adulticides renvoient la balle aux agriculteurs, estimant que les insecticides sont, de toute façon, beaucoup moins dangereux que les produits agricoles. "Nou sé d’bèf moka", répond Nicolas Alaguirissamy rappelant que "ce n’est pas nous qui les mettons dans le nez des enfants, de la population. Pas besoin de faire de grandes études pour comprendre que quelque chose ne fonctionne pas".

o "Arèt fou le kréol in lamand 3.000 éro"
Heureusement, la Préfecture a ravisé sa position, opte désormais pour le dialogue plus que pour le passage en force, la répression. Entre les répulsifs, les médicaments, les consultations, Nicolas Alaguirissamy estime que ce sont les classes intermédiaires les plus pénalisées par la crise sanitaire, les travailleurs qui ont des crédits. Il faut comprendre, et c’est naturel, selon lui, que les Réunionnais veuillent protéger leurs enfants des produits toxiques, refusent les pulvérisations dans leur cour. Sur la boite de Deltaméthrine, il est notifié que la molécule a une rémanence de 15 jours. Si on laisse les enfants jouer dans la cour, même 24 heures après la démoustication, le risque est là, la molécule s’accroche. "Vien plito fane produi bio èk nou", invite l’agriculteur.

o "Sa i kalkil pa !"
Certains apiculteurs du Sud enregistrent une perte de 50% de leurs colonies. "C’est 50% de fruits en moins", déplore Nicolas Alaguirissamy qui se demande comment vont faire les producteurs de mangues ou encore de letchis. "Il faut réfléchir à tout ça avant d’agir". En ce moment, c’est la période du miel de baie rose, mais les ruches transportées sur la côte pour leur période de transhumance ne résistent pas aux chocs chimiques. Jusqu’à cette année, c’était la plus grosse production de miel de La Réunion. "Il n’y a plus de vecteur de pollinisation. Zabey na pu". "À combien s’élèvera le kilo de letchis ou de mangues cette année ? Déjà qu’il a fallu batailler pour avoir des marchés à l’export, les revendeurs ne vont pas attendre l’année prochaine mais se servir ailleurs. Il n’en restera plus pour la consommation des Réunionnais... Sa i kalkil pa !".


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