Face à l’épidémie de chikungunya

Assez de poison, la lutte biologique, vite !

3 janvier 2006

Le document publié ci-après présente le principe actif du produit qui a été retenu par les autorités pour combattre les deux moustiques vecteurs du chikungunya. Comme vous pourrez le constater, ce produit n’a rien de biologique. C’est un produit chimique. Le liquide concentré que la DRASS vous conseille de vous procurer auprès de la chaîne “Fermes et Jardins” est appelé “acto moustique”. Il est vendu aux particuliers en bidon d’un litre de concentré qu’il convient de diluer avec de l’eau. 100 ml pour un litre d’eau si on livre bataille aux moustiques adultes, 200 ml pour un litre si on veut détruire les sites larvaires.

L’insecticide prévu par les autorités pour combattre les deux moustiques vecteurs du chikungunya contient un pyréthrinoïde de synthèse : le pirimiphos-méthyl. Mais ne vous laissez pas abuser par la racine qu’on entend dans le mot pyréthrinoïde. Ce pyrèthre de synthèse est - dans les faits - un pesticide. Pour que les lecteurs qui s’y connaissent en chimie puissent juger par eux-mêmes, en voici la formule chimique.

Ce pesticide chimique recommandé par les responsables a été inventé et mis au point en Allemagne, "during World War Two", pendant la 2ème guerre mondiale en tant que dérivé (by-product) d’un gaz innervant. Il était utilisé notamment dans les chambres à gaz pour ses capacités innervantes et l’asphyxie qui en découlait. C’est ce qu’on appelle un OP, un organophosphate, soit l’un des pesticides parmi les plus toxiques pour les humains et les animaux.
C’est ce produit qui est aujourd’hui dispersé dans la nature, dans les ravines, dans les cours, les chemins, les écoles. C’est ce produit dont on nous prévient qu’il est toxique pour la faune aquatique - nos bichiques et nos poissons d’élevages aquicoles -, pour les oiseaux et volailles, pour les abeilles, les guêpes, les pucerons et toute sorte d’insectes. Ce sont ces composants chimiques qui sont épandus et qu’on nous demande d’épandre dans nos cours, dans nos maisons et qui vont s’infiltrer puis atteindre les nappes phréatiques et les contaminer.

Un mal pour un mal

C’est ce produit dont les nomenclatures nous préviennent qu’il est hautement toxique, dangereux à inhaler, à manipuler, qui ne doit pas entrer en contact avec la peau car il s’attaque à la gaine de vos nerfs et peut vous rendre invalide, c’est ce produit-là qu’on vous vend sans la moindre mise en garde. Sans le moindre spot informatif à la télé.
On ne cesse de nous rappeler que, sur 780.000 habitants, 110.000 adultes souffrent de l’illettrisme, mais, pour mettre à disposition ce type de produit, les autorités affectent de croire que tout le monde sait lire, écrire et surtout comprendre tous les pictogrammes d’alerte et les mises en garde figurant sur les étiquettes de ces poisons.

Moustiques renforcés

Mais il y a plus incompréhensible encore car toutes les publications font état de la relative inefficacité de pirimiphos-méthyl dans la lutte contre les moustiques. Dans plusieurs pays en effet, on a constaté qu’après une période d’efficacité, le pirimiphos-méthyl ne tuait plus que 41% d’une colonie de moustiques. Les 59% restants devenant résistants.
Cela veut dire que le pirimiphos-méthyl opère une sélection : il tue les moustiques les moins résistants tandis que les plus costauds résistent et transmettent cette “immunité” à leur descendance.
Pour l’IRD de Montpellier (ex-ORSTOM), cette apparition de lignées de moustiques résistantes est combattue par une synergie insecticide : on mélange un pyréthrinoïde avec un carbamate. Cette synergie est intéressante car, pendant une période assez longue, elle permet de réduire les doses de produits utilisés (1/50ème de carbamate et la moitié de pyréthrinoïde) pour une efficacité qui passe de 41% à 80%. En réchappent cependant 20% de moustiques résistants et il faut alors trouver autre chose car ces 20% vont transmettre leurs gênes résistants à leur descendance et tout est à refaire.
Ceci démontre tout à la fois l’inefficacité de la lutte chimique : toujours plus de produits seuls ou mélangés mais en quantités toujours plus importantes avec pour corollaire l’apparition de souches toujours plus résistantes.
Moralité, plus l’homme tente de se protéger des moustiques par une lutte chimique, plus il sélectionne les moustiques les plus résistants et organise l’apparition d’espèces plus virulentes. Et, par-dessus le marché, il met en péril l’écosystème, notre île, La Réunion.

Une inefficacité prouvée

Saint-Louis et La Rivière sont l’illustration la plus parlante de l’inefficacité de la lutte chimique. C’est dans cette commune qu’on a le plus déversé de ce poison pirimiphos-méthyl et c’est pourtant dans cette commune que, semaine après semaine, jour après jour, l’épidémie prend toujours plus d’ampleur.
Quand donc va-t-on se décider à passer à une lutte d’envergure avec des moyens biologiques dont l’efficacité est reconnue des plus hautes autorités médicales telles que l’OMS ?

Jean Saint-Marc

Chikungunya

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