Chikungunya : une proposition de loi de Gélita Hoarau pour des garanties salariales en faveur des travailleurs malades

Au nom du principe d’égalité

22 mars 2006

Après les annonces du Premier ministre lors de sa venue à La Réunion pour faire face aux conséquences du chikungunya, plusieurs voix s’étaient élevées pour déplorer l’absence de mesures spécifiques en faveur des travailleurs victimes de l’épidémie. La proposition de loi déposée par la sénatrice Gélita Hoarau vise à corriger l’inégalité de traitement dont sont victimes les salariés réunionnais à ce niveau par rapport aux salariés métropolitains.

La sénatrice Gélita Hoarau a déposé à la fin de la semaine dernière une proposition de loi sur le bureau du Sénat tendant au respect du principe d’égalité entre les salariés réunionnais et métropolitains. Dans ce texte, l’élue réunionnaise demande l’extension à La Réunion des dispositifs relatifs à la garantie des salaires, notamment en cas de maladie, et diverses mesures pour faire face aux conséquences sociales de l’épidémie du chikungunya dans notre île. (voir en encadré d’une part le texte de la proposition de loi et d’autre part l’exposé des motifs)
Cette initiative se situe dans le cadre d’autres actions menées par des Réunionnais pour faire face aux conséquences du chikungunya au niveau des salariés victimes de la maladie. En effet, dès les dernières annonces de mesures par le Premier ministre pour faire face aux conséquences de l’épidémie, des voix s’étaient élevées pour dire que les travailleurs étaient en partie oubliés par le gouvernement.
Ainsi, plusieurs syndicats de salariés, en particulier la CGTR, dénonçaient le fait que, en raison de dispositions discriminatoires, les travailleurs réunionnais malades - et donc en arrêt de maladie - sont encore davantage pénalisés au niveau de leur salaire que leurs homologues métropolitains. Sensible à ce problème, la Région Réunion votait en assemblée plénière le 1er mars une motion présentée par Yvon Virapin (du groupe de l’Alliance) pour "la protection des salariés face aux conséquences du chikungunya".
Cette motion était transmise au gouvernement. La députée Huguette Bello écrivait aussi au Premier ministre pour lui demander des mesures en faveur des salariés. Et à la fin de la semaine dernière, la sénatrice Gélita Hoarau faisait donc une démarche allant dans le même sens.
Il appartient désormais au pouvoir gouvernemental de prendre les décisions qui s’imposent afin que les travailleurs réunionnais ne voient plus leur revenu diminué encore plus que celui des travailleurs de l’hexagone en cas d’arrêt maladie. Il faut en finir avec cette double pénalisation des travailleurs réunionnais malades.

L. B.


L’exposé des motifs de la proposition de loi

"L’Ile de La Réunion subit de plein fouet la crise épidémiologique du chikungunya dans toutes ses dimensions : sociale, économique, sanitaire... Il conviendra, en temps opportun, de rechercher pourquoi et comment nous sommes arrivés là. L’heure, aujourd’hui, est à la recherche de solutions permettant d’une part, d’amortir ce choc et d’autre part, d’envisager une sortie de crise par le haut.
La gravité de la crise n’est plus aujourd’hui à démontrer, les chiffres officiels parlent d’eux-mêmes, alors qu’ils sont certainement sous-évalués.

Pas une crise imprévisible

Au 3 mars dernier, 182.000 cas étaient recensés et 88 décès étaient imputables directement ou indirectement au chikungunya. La montée de cette crise s’est faite de façon fulgurante, ce qui ne saurait équivaloir à l’imprévisibilité de celle-ci. Par ailleurs, personne ne peut, aujourd’hui, prédire la date de sortie de la crise.
Le gouvernement a apporté, au titre de la solidarité nationale, plus de 60 millions d’euros au milieu économique, précisant qu’il s’agit d’une provision.
Ces mesures répondent à la légitime demande des employeurs soucieux d’assurer, à minima, la survie de leur entreprise. Il conviendra, toutefois, en amont et en aval, d’envisager des dispositifs permettant d’éviter tout effet d’aubaine.

Les salariés... oubliés de la solidarité nationale

Cependant, ces mesures en direction des entreprises, si légitimes soient-elles, ne visent aucunement à la garantie des salaires. Elles ne sont pas faites pour cela.
Les salariés sont les oubliés de la solidarité nationale, quand bien même la prise en charge du délai de carence en cas de rechute leur apparaît partiellement positive.
Ainsi, les 500.000 euros annoncés par l’État ne sont que l’exécution d’une obligation légale de celui-ci. Qui plus est, ils s’inscrivent, en l’absence à la Réunion de dispositifs réglementaires (décret N°2001-555 du 28.06.2001) et conventionnels (accord du 21.02.1968, divers accords de branche) applicables en France hexagonale, dans l’hypothèse minimale voire minimaliste de la rémunération mensuelle minimale prévue par les articles L141-10 et suivants et R351-51 du Code du Travail.
De plus, des dispositifs permettant des garanties conventionnelles complémentaires de salaires en cas de maladie ne sont pas appliqués à La Réunion pour diverses raisons qu’il conviendrait d’inventorier (article 16 de la loi Perben, opposition de partenaires sociaux à leur extension, inertie des employeurs...).

La responsabilité des employeurs

Nous pointons ici, en plus de la nécessaire solidarité nationale, la responsabilité des employeurs, notamment quant à la politique de santé publique à l’égard de leurs propres salariés.
Cette politique de santé publique sera un outil fort d’anticipation et de prévention de crises épidémiologiques qui pourraient survenir dans le futur, compte tenu de notre situation géographique.
Si l’on tient compte des inconnues quant à la période de fin de crise et à son évolution (tassement ou accroissement) dans les temps à venir, si l’on se rappelle que le premier moteur de la croissance reste toujours la consommation des ménages, il est fortement à craindre une dépression salariale et donc un impact fortement négatif sur la santé de notre économie.

Une frustration intense chez les salariés

Si une telle situation devait empirer - les prémisses sont là d’ores et déjà -, il en résulterait une frustration intense chez les salariés, se sentant oubliés de l’État et de leurs employeurs.
Cette frustration s’alimenterait d’un sentiment d’injustice devant, d’un côté, des mesures spécifiques en direction des entreprises et, de l’autre, l’absence de toute solidarité nationale à l’égard de salariés qui pâtissent de dispositifs législatifs, réglementaires et conventionnels au salarié.
La solidarité nationale doit être une solidarité partagée.

Les mesures à prendre par l’État

En conséquence et dans le cadre d’une politique de prévention et d’anticipation sur les conséquences de telles crises sur les salaires, nous demandons à l’État :

- d’ouvrir, en urgence, des discussions avec les institutions et organismes compétents pour que, d’une part, il y ait une prise en charge équilibrée et solidaire de toute dépense occasionnée par la maladie ; et que, d’autre part, et à l’instar de ce qui est prévu pour les entreprises, des moratoire sur les dettes fiscales et sociales ainsi que des différés de remboursement de prêts soient institués.

- de prendre toutes les mesures nécessaires et relevant de sa compétence pour que la garantie des salaires soit assurée. Il s’agit là tant d’une exigence sociale que d’une nécessité économique. Cette garantie des salaires passe par l’application à La Réunion des dispositifs relatifs à l’allocation spécifique d’aide publique.

- de faciliter l’extension des conventions collectives nationales, à la demande des partenaires sociaux, en abrogeant l’article 16 de la loi Perben.

- d’inciter les partenaires sociaux à ouvrir des discussions et des négociations pour que les dispositifs existant en France hexagonale relatifs au chômage technique et aux garanties conventionnelles complémentaires de salaires en cas de maladie soient appliqués à La Réunion".
(les intertitres sont de “Témoignages”)


Le texte de la proposition de loi

La proposition de loi de Gélita Hoarau tend "au respect du principe d’égalité entre les salariés et à l’extension à La Réunion des dispositifs relatifs à la garantie des salaires notamment en cas de maladie", et propose "diverses mesures pour faire face aux conséquences sociales de l’épidémie du chikungunya à La Réunion".
Elle comporte trois articles :
"Article 1 : L’article L 132-5 du Code du Travail modifié par la loi n°94-638 du 25 juillet 1994 (art 16) est ainsi modifié :
A la section 1, du chapitre II, du Titre III du livre 1er, supprimer les 3ème et 4ème phrase
Article 2 : Dans le cadre du respect du principe d’égalité entre les salariés, un décret d’application déterminera, après consultation des partenaires sociaux, l’extension à la Réunion des dispositifs réglementaires et des dispositifs permettant des garanties conventionnelles complémentaires de salaires en cas de maladie ainsi que l’application à La Réunion de l’allocation spécifique d’aide publique afin que la garantie des salaires soit assurée.
Article 3 : À La Réunion, pour tenir compte des conséquences économiques et sociales de l’épidémie du chikungunya, il est institué un moratoire sur les dettes fiscales et sociales ainsi que des différés de remboursement de prêts contractées par les salariés confrontés à des arrêts de maladie répétés ou placés dans une situation de chômage technique.
Un décret précisera les conditions d’application de cet article".


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